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    Il n'est nullement contraire aux lois de la nature qu'à un abandon total de l'âme au bien ou au mal correspondent des phénomènes physiques qui ne se produisent que dans ce cas. Il serait contraire aux lois de la nature qu'il en fût autrement. Car à chaque manière d'être de l'âme humaine correspond quelque chose de physique. À la tristesse correspond de l'eau salée dans les yeux ; pourquoi pas à certains états d'extase mystique, comme on raconte, un certain soulèvement du corps au-dessus du sol ?

    "L'enracinement"  Simone Weil *

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  • L’homme n’est point cet être débonnaire, au cœur assoiffé d’amour, dont on dit qu’il se défend quand on l’attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d’agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n’est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L’homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d’agression aux dépens de son prochain, d’exploiter son travail sans dédommagements, de l’utiliser sexuellement sans son consentement, de s’approprier ses biens, de l’humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer.

    Freud *
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  • Mais lorsque ces mots, et les rêves qu’ils recouvraient, commencèrent à se manifester d’eux-mêmes dans les premiers mois de la Révolution, ce ne fut pas sous forme de délibérations, de discussions et de décisions ; ce fut, au contraire, une ivresse dont l’élément clé fut la foule, la masse « dont les applaudissements et la joie patriotique donnèrent autant de charme que d’éclat» au Serment du Jeu de paume tel que le vécut Robespierre. Nul doute que l’historien a raison d’ajouter: «Robespierre avait eu une révélation : le rousseauisme incarné. Il avait entendu la voix du peuple et pensé entendre la voix de Dieu. De cet instant date sa mission(1). » Et pourtant, si fortes qu’aient pu être les émotions qu’éprouvèrent Robespierre et ses amis au cours d’expériences auxquelles on aurait eu bien du mal à trouver un précédent dans l’Antiquité, leurs pensées conscientes et leurs paroles en revenaient obstinément au vocabulaire de la Rome antique. Si l’on souhaite cerner la question en termes purement linguistiques, on doit souligner l’emploi relativement tardif du mot «démocratie», qui met l’accent sur la domination et le rôle du peuple, à la différence du mot «république», qui insiste nettement sur des institutions objectives. Et ce mot-là, «démocratie», ne fut pas employé en France avant 1794 ; même l’exécution du roi fut encore accompagnée des cris de Vive la république* !

    Ainsi la théorie de la dictature révolutionnaire prônée par Robespierre, tout en étant suscitée par les expériences de la révolution, trouvait-elle sa légitimation dans la célèbre institution de la République romaine et, en dehors de cela, rien de nouveau ou presque ne vint s’ajouter à la théorie, durant ces années, au corpus de la pensée politique du xvme siècle. Chacun sait combien les Pères fondateurs, qui étaient pourtant profondément conscients de la nouveauté de leur entreprise, étaient fiers d’avoir simplement mis en application, avec audace et sans préjugés, ce que l’on avait découvert bien avant eux. Ils se considéraient comme des maîtres en science politique parce qu’ils osaient et savaient mettre en application la sagesse accumulée par les siècles passés. Que la Révolution consistât principalement à appliquer certaines règles et vérités de la science politique, telle que la connaissait le xvme, c’est au mieux une demi-vérité dans le cas de l’Amérique, et moins que cela dans celui de la France, où des événements inattendus ne tardèrent pas à gêner et finalement à empêcher la constitution et l’établissement d’institutons durables. Il n’en reste pas moins, à la vérité, que sans l’érudition enthousiaste et quelquefois légèrement comique des Pères fondateurs en matière de théorie politique - les copieux extraits d’auteurs antiques et modernes qui remplissent les œuvres de John Ada ms donnent parfois à penser qu’il collectionnait les constitutions comme d’autres les timbres -, aucune révolution n’aurait jamais pu s’accomplir.

     

    1. J. M. Thompson, Robespierre, op. cit., p. <53-54.

    A suivre

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    Les Juifs, cette poignée de déracinés a causé le déracinement de tout le globe terrestre. Leur part dans le christianisme a fait de la chrétienté une chose déracinée par rapport à son propre passé. La tentative de réenracinement de la Renaissance a échoué parce qu'elle était d'orientation antichrétienne. La tendance des « lumières », 1789, la laïcité, etc., ont accru encore infiniment le déracinement par le mensonge du progrès. Et l'Europe déracinée a déraciné le reste du monde par la conquête coloniale. Le capitalisme, le totalitarisme font partie de cette progression dans le déracinement ; les antisémites, naturellement, propagent l'influence juive. Mais avant qu'ils déracinent par le poison, l'Assyrie en Orient, Rome en Occident avaient déraciné par le glaive.

    Le christianisme primitif a fabriqué le poison de la notion de progrès par l'idée de la pédagogie divine formant les hommes pour les rendre capables de recevoir le message du Christ. Cela s'accordait avec l'espoir de la conversion universelle des nations et de la fin du monde comme phénomènes imminents. Mais aucun des deux ne s'étant produit, au bout de dix-sept siècles on a prolongé cette notion de progrès au-delà du moment de la Révélation chrétienne. Dès lors elle devait se retourner contre le christianisme.

    Les autres poisons mélangés à la vérité du christianisme sont d'origine juive. Celui-là est spécifiquement chrétien.

    La métaphore de la pédagogie divine dissout la destinée individuelle, qui seule compte pour le salut, dans celle des peuples. Le christianisme a voulu chercher une harmonie dans l'histoire.

    C'est le germe de Hegel et de Marx. La notion d'histoire comme continuité dirigée est chrétienne.

    Il me semble qu'il y a peu d'idées plus complètement fausses. Chercher l'harmonie dans le devenir, dans ce qui est le contraire de l'éternité. Mauvaise union des contraires.

     
    * Simone Weil
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