• Haletants, fourbus, ravagés...

     

    Haletants, fourbus, ravagés, sur les boulets, ils s'écroulent... Une sorte d'angoisse les étreint... ils savent plus comment finir... Ils se cramponnent après la table... A la façon que je les entends comme ils expirent rauque, à la manière qu'ils enrayent, qu'ils râlent en saccades... aux bribes d'injures qui arrivent ... Je me dis : " Yubelblat, c'est le moment !..." L'instant exact d'intervenir... Faut pas une seconde en retard ! pas une seconde en avance ! ... Faut que ça tombe pile exactement, partir juste à " l'optimum " ... Alors c'est gagné ! je les délivre ! Je les affranchis d'un coup... J'organise, Ferdinand, l'" extase " ... C'est après ça qu'ils suffoquent au bout d'une heure de pancrace... de cette ébullition de mots... je connais le moyen de les faire jouir... Je donne à tout ce bavardage une sorte d' " éjaculation "... Je l'ai toujours là dans ma poche... dans un petit bout de papier... Au moment où ils en peuvent plus, où ils s'étranglent de confusion, où ils implorent l'atmosphère... Je leur sors mon petit texte... je déplie mon petit bout de papier, une "Résolution" ... retenez ce nom... une " Résolution ". Je la glisse au président, le pire radoteur de la bande, le plus éperdu de tous... Il se jette dessus, il l'agrippe, c'est écrit... Il a plus qu'à lire, ânonner... C'est fait !... En entendant ce texte bien net, qui leur arrive par miracle, qui clôt si bien leurs débats, les autres alors ils viennent au pied... ils se rendent ils " adoptent " !... dans une allégresse ! ... éjaculant à qui mieux mieux... L'orgasme ! Ils se détendent... ils se pardonnent... ils se caressent... ils se délectent... ils se congratulent... La vanité fait le reste... Ils se persuadent immédiatement... qu'ils ont fini par jouir tout seuls... je ne reste pas là, moi-même, je disparais, je m'efface... je les laisse à leurs effusions. Je n'ai rien dit... Je n'ai rien fait... Je les,ai toujours dans ma poche... mes " résolutions " tout le temps des débats... Chaque matin, je les prépare... Ce sont mes petites ordonnances... Je les rédige à la maison, dans le calme même, dans mon lit, avant de descendre les retrouver dans cette pagaïe... Je sais bien moi, ce que je veux, je sais donc ce qu'il leur faut tous, aux délégués des cinquante peuples... Ce qu'ils sont faits pour " adopter " ... Je suis là pour ça, Ferdinand, et c'est " écrit "... tout écrit, mon ami... noir sur blanc à l'avance... dans ma poche... avec mon petit crayon... C'est la décision, c'est l'ordre au bout du chaos. Je leur apporte leur délivrance, Ferdinand. Tous ces petits verbeux, hagards, diffus, chiffonnés, ils montent au plaisir tous ensemble. J'avais leur coït dans ma poche... depuis le matin... Et je n'ai rien dit, Ferdinand!... pas dit un mot à ce propos. J'ai glissé le petit papier, au bon moment, voilà tout !... Ce n'est pas très difficile... Ce n'est pas moi qui ai brillé... Ce n'est pas moi qui ai parlé... On ne m'a presque pas vu... Je ne cause jamais, Ferdinand... Je ne brille jamais, Ferdinand... Jamais... Retenez bien ceci... jamais ne briller... jamais, Ferdinand... Il faisait alors un grand effort de myope, pour me toiser sous ses carreaux... pour s'apercevoir un petit peu, si vraiment je comprenais les choses. " Il faut que nous passions "inaperçus", Ferdinand, comme des Jésuites, des Jésuites du monde moderne... vous me comprenez, "inaperçus"... ou alors tout ira mal... vraiment très mal, Ferdinand... " Considérez bien Ferdinand, n'oubliez jamais, lorsque vous examinez, que vous observez de près l'allure de nos commissions, que plus vive est l'intelligence de chacun des participants en particulier, plus grotesque, plus abominable sera leur grand cafouillage une fois qu'ils seront réunis... Et remarquez au surplus que je les ai fait venir pour l'examen d'un problème nettement de leur spécialité... qui ne leur réserve forcément aucune espèce de surprise... qu'ils connaissent par coeur, à fond, sur toutes les coutures.. sous tous les aspects... Plus ils seront éminents, plus fantastiques seront leurs bourdes... plus proliférantes, abracadabrantes, leurs conneries.... leurs méprises, plus inouïes leurs absurdités... Plus vous les trouverez élevés, considérés séparément dans le domaine de l'esprit, de la création, plus ineptes ils deviendront une fois qu'ils seront tous ensemble... Voici une règle, un théorème, une loi de l'esprit... L'esprit n'aime pas les rassemblements. Nous possédions, à cet égard à la S. D. N. un exemple vraiment illustre, cataclysmique pour mieux dire... la Commission fameuse, dite des " Courants Intellectuels " pour l' " Expansion de la Culture et des Grandes Forces Idéologiques ". Rien que des Génies ! triés sur le volet... des génies prouvés, des personnes qui bouleversent l'Histoire des Sciences et des Arts, toutes les techniques de l'Esprit... " Regardez pourtant, Ferdinand, écoutez-moi bien ces illustres... il suffit que je leur souffle, que je leur propose le moindre prémisse de dilemme... que j'agite devant leur génie la plus vague broutille dialectique... le plus petit hochet pratique pour qu'ils se mettent à déconner... que je leur demande leur avis sur le retrait d'un seul tréma, la disjonction d'une parenthèse... le projet d'achat d'un crayon... pour qu'ils se mettent à divaguer ! ... pour qu'ils s'enlisent éperdument, se déroutent, s'affalent... Il faut avoir bien compris, Ferdinand, bien observé de près les phases de cette divaguerie cafouilleuse... Il faut que je vous affecte pendant quelque temps aux débats de cette commission, à son " Compte Rendu ".

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