• Je vais voir Popaul, mon pote

    Je monte là-haut, je vais voir Popaul, mon pote. Je l'avais pas vu depuis un moment. Il demeure au sommet de Montmartre. Popaul, c'est un vieux Montmartrois, il est pas venu de sa Corrèze, pour découvrir le maquis. Il a été préconçu dans les jardins de la Galette, un soir de 14 juillet, c'est le Montmartre " de ses moins de neuf mois ". Alors c'est un " pur de pur ". Je sais qu'il aime bien le bourgueil, je lui en monte un petit flacon, question de le mettre en bonne humeur. Je veux qu'il me cause ! Il est peintre, c'est tout vous dire, au coin de l'impasse Girardon. Il barbouille quand il pleut pas trop, quand il pleut trop, ça devient trop sombre dans son atelier. Quand il fait beau, par exemple, on est alors bien mieux dehors, sur le banc de l'avenue Junot à regarder les petits oiseaux, les petits arbres comment qu'ils poussent, qu'ils se dépêchent pour pas crever, du mazout. On prend le soleil comme des vieux piafs. Popol, il a eu du mal à trouver la bonne condition, favorable pour sa barbouille, entre trop d'ombre et trop de soleil. Popol, c'est un mutilé, un grand mutilé de la grande guerre, il a donné une jambe entière pour la défense de la Patrie.
     Je lui apprends tout de suite d'emblée que je suis devenu antisémite et pas un petit peu pour de rire, mais férocement jusqu'aux rognons !... à mettre tous les youtres en l'air ! phalanges, en denses cohortes, en bataillons à les faire charger contre Hitler, reprendre la Sarre, à eux tout seuls !...
     -- Merde ! qu'il me fait... T'auras du coton !... Les Juifs, ils sont tous au pouvoir... Ils peuvent pas s'absenter comme ça !... T'y penses tout de même pas !...Ça serait l'anarchie !... La pagaie !... C'est des personnes indispensables ! Ta croisade elle se présente pas bien !... T'auras du mal à les sortir... Les youtres c'est comme les punaises... Quand t'en prends une seule dans un plume, c'est qu'elles sont dix mille à l'étage ! Un million dans toute la crèche... C'est pas la peine d'insister... Tu vas te faire étendre, malheureux ! Tu sais pas où tu mets les doigts ! Tu connais pas le " mauvais café " ? Tu fais l'esprit fort ! le fendard ! tu vas te réveiller sur un marbre... Il va te tomber un de ces soirs une drôle de tuile sur la pêche quand tu reviens de ton dispensaire... qu'il pleut le long des maisons... Tu peux t'acheter une cloche en zinc, une bourguignotte... T'es con de t'agiter, vieux tordu !... C'est le retour d'âge qui te tracasse... C'est la bicyclette qui te vaut rien ! T'es pas fait pour la vitesse... ça te fait délirer... Je t'avais dit de faire bien gafe... T'as plus l'âge, en vérité... à quarante trois ans... (il est jaloux il peut plus monter en vélo à cause de sa jambe)... à moins que tu veuilles faire comme Hitler... Mais t'as pas le genre tyrolien... Tu peux pas faire trou-la-itou... Tu te feras siffler raide comme balle ! Tu veux faire ton petit Barrès ? ton Bolivar ? ta Jeanne d'Arc ? Annunzio ? Les Juifs, c'est mariole, mon pote, tu seras détruit calamiteux ver de vase Ferdinand ! avant que t'ayes dit ouf !... Ils te feront repasser... pas eux-mêmes !... mais par tes propres frères de race... Je te le prédis ! Ils ont tous les tours dans leur sac !...C'est des fakirs cent pour cent... Ils ont tout l'Orient dans leur fouille... Ils passent... ils promettent... ils jaspinent... ils avalent tout... Ils rendent jamais rien !... Ils s'en vont plus loin, ils partent avec ton auber et ton âme... Tu te retrouves plus !... C'est les juifs errants mon pote, citoyens du monde ! Escrocs de tout ! passe-partout ! Ils te vident les fouilles et la tête, ils te dépouillent, ils te sucent le sang... Et tu vas te racheter par lambeaux ! tu les rinces, les mêmes, encore ! Dans les Beaux-Arts, ils ont tout pris ! tous les primitifs ! les folklores ! sauce juive ! Les critiques, tous juifs, francs-maçons, entonnent en choeur, hurlent au génie ! C'est normal, c'est bien régulier dans un sens : de toutes les Ecoles ils sont maîtres, tyrans, propriétaires absolus, de tous les Beaux-Arts du monde, surtout en France. Tous les professeurs, tous les jurys, les galeries, les expositions sont à présent pleinement youtres C'est pas la peine de réagir... Moi si j'avais ta grande gueule, je jouerais au ballon avec eux... A ta place. je me ferais franc-maçon... C'est le baptême pour un Aryen ! ça te laverait un petit peu... Ça te ferait un petit peu nègre... Ça te ferait moins de péché... Blanchir il faut plus en France... c'est " noircir " qu'il faut... L'avenir est aux nègres ! Nom du cul !...
    -- Ah ! que je sursaute, Popol ! tu me navres ! tu m'épouvantes ! Je croyais trouver un ami ! Un vrai soldat pour ma cause ! Et tu me conseilles de m'évanouir... Ça devenait trop grave pour se discuter en plein air... Rentrons, que je fais...
     Je poursuivais mon raisonnement tout au fond de son atelier. Après tout, ça m'était égal, d'avoir le monde entier contre moi, dans la croisade antisémite. Mais j'aurais tenu à Popol ! un frère de guerre ça compte quand même... Je l'exhorte encore un peu...
     -- Comment, toi Popol,... tu te dégonfles ?... Un vrai Médaillé militaire décoré sur les champs de bataille... tu trouves ça bien régulier ?... Que pour chaque Français du sol, crevé sous les balles ennemies des Flandres à Verdun, on se fasse à présent inonder par dix mille youtres, tous bien coucous, racistes à mort, insatiables ?... Il faudrait peut-être nous, qu'on se déguise, qu'on se fasse tolérer en carpette ? au son de l'Internationale ?... en vase de nuit... en gramophone pour silence ?...

    "Bagatelles pour un massacre" *

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