• L’ALLÈGRE ASSASSIN DE SIX MILLIARDS D’INDIVIDUS (5) 3/3

     

    Qui ne rêve pas d’être jeté en prison pour ce qu’il a écrit ? C’est le désir intime de bien des graphologues, je suis certain ! Tout Balzac pour un poème d’Ezra Pound ! Il est interdit de donner de la poésie aux animaux. Le monde est un zoo que Pound voit de sa cage. On aime venir arracher des griffes du vieux tigre quelques feuillets épars.
     Céline, bien sûr, qui savait que la noblesse passait par les menottes. C’est la Classe suprême ! Enfermé n’est rien, c’est condamné à mort qu’il faut : c’est la seule fierté, l’unique but de l’homme de lettres. Condamné à mort pour ce qu’on a écrit ! Voilà la seule carte de visite qu’on s’arrache tous.
     C’est là qu’on voit l’indicible complicité de la Subversion et de l’Inquisition. Les Lois n’ont qu’une justification : faire payer le prix fort aux débiteurs. Estampiller la vérité d’un danger qu’aucun buvard ne pourra sécher. Le calbuth d’acier pour les couilles au cul. Le visa du « quelque chose à dire ». Les Russes, les Argentins, tous les dissidents ne suffisent plus : on n’emprisonnera bientôt plus les idées mais la musique. Le jour où un musicien sera condamné à mort grâce à sa musique, parce qu’elle sera trop insupportablement dangereuse – le monde ira mieux.
     Les Baumettes, voilà l’ambition suprême. Le centre de la Poésie. Le Panthéon des Crapules !… Je rajouterai que Sade, coupable de trois fois rien, est celui qu’on a mis le plus longtemps en Prison pour lui permettre d’écrire les crimes qui justifieraient sa détention. Le type même de l’écrivain criminel par excellence est celui qui est allé payer sa sentence à l’intérieur de sa punition : il a comme amorti par l’écriture des plus inimaginables méfaits de l’humanité son incarcération injuste. L’Erreur judiciaire était presque parfaite. Les vingt-sept années de Sodome, Justice ou les Prospérités du Cabanon, l’Innocence dans le Mouroir, le Crime Écrit de l’Infortune, ce que vous voudrez… La quête du pilori macère chez tous les poètes. Ce sont tous des hagards du boisseau. Sous le désir du couperet : voilà l’histoire.

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