• L'idéalisme pratique (2)

     

    L’héroïsme est une aristocratie de la mentalité.  L’héroïsme est autant apparenté à l’idéal aristocratique que le matérialisme l’est avec l’idéal démocratique. La démocratie croit bien plus en le nombre qu’en la valeur, en la chance qu’en la grandeur.C’est pourquoi la démocratie politique ne peut devenir féconde et créatrice que si elle démolit la pseudo-démocratie du nom et de l’or, pour à sa place donner naissance à une aristocratie de l’esprit et de la mentalité, éternellement renouvelée. Le sens ultime de la démocratie politique est donc : une aristocratie de l’esprit  ; elle veut créer la jouissance des matérialistes, la puissance  des idéalistes. Le leader doit prendre la place du dominant— le sens  le plus noble, la place du nom le plus noble — le coeur le plus riche, la place de la bourse la plus riche. Voilà le sens du développement, qui se nomme démocratique. Tout autre sens serait un suicide de la culture.Ce n’est donc pas un hasard si Platon était en même temps le prophète de l’aristocratie spirituelle et de l’économie socialiste, ainsi que le père de la vision du monde idéaliste. Car en effet ces deux-là, aristocratie et socialisme, sont : un idéalisme pratique.
    L’idéalisme ascétique du Sud  s’est manifesté en tant que religion ; l’idéalisme héroïque du Nord en tant que technique.
    En effet la nature était au Nord un défi adressé aux humains. Les autres peuplades se sont soumises ; l’Européen s’est emparé de ce défi et a lutté. Il a lutté, jusqu’à ce qu’il soit suffisamment fort  pour soumettre la Terre : il a lutté, jusqu’à contraindre à son service la nature même qui l’avait défié. Cette lutte a exigé l’héroïsme, a engendré l’héroïsme. Le héros est ainsi devenu en Europe ce que le saint était en Asie, et la vénération des héros est venue s’ajouter à la vénération des saints. L’idéal actif s’est substitué au contemplatif, et le fait de se batte pour un idéal, plutôt que de souffrir pour lui, est devenu quelque chose de plus grand.C’est à partir des temps modernes  que l’Europe a commencé pour la première fois à saisir pleinement le sens de cette mission mondiale héroïque ; car c’est avec les temps modernes que commence pour la première fois son âge technique, sa guerre de libération contre l’hiver. Cet âge technique est en même temps l’âge du travail. Le travailleur est le héros de notre temps; son opposé n’est pas le bourgeois — mais plutôt le parasite. Le but du travailleur est d’agir, celui du parasite est de profiter. C’est pourquoi la technique est l’héroïsme des temps modernes et le
    travailleur un idéaliste pratique.
    Le problème politique et social du XXe siècle est celui-ci : rattraper le progrès technique du XIXe. Cette exigence de notre temps est rendue d’autant plus difficile que le développement de la technique s’accomplit sans pause et à un rythme de plus en plus rapide par rapport au développement des humains et de l’humanité. Ce danger peut être contourné de deux façons : ou bien l’humanité ralentit le progrès technique, ou bien elle accélère le progrès social. Sinon, elle perd son équilibre et se renverse. La Guerre mondiale était un avertissement. La technique place donc les humains devant une alternative: le suicide ou l'entente. C’est pourquoi le développement du monde, dans les décennies à venir, sera sans précédent.  Le déséquilibre actuel dans l’organisation technique et sociale conduira soit à une catastrophe destructive — soit à un progrès politique qui laissera derrière lui tous les modèles  historiques, en termes de rapidité et de précision, et qui ouvrira une nouvelle page de l’histoire humaine.Comme la technique ouvre de nouvelles voies à l’impact humain et à l’héroïsme, la guerre commence à jouer son rôle historique dans la conscience de l’humanité. Son héritier est le travail. Un jour l’humanité s’organisera pour, unanimement, arracher à la Terre, ce qu’elle lui soustrait encore à l’heure actuelle. Dès que cette compréhension sera atteinte, toute guerre deviendra une guerre civile et tout meurtre un meurtre. Alors l’âge de la guerre paraîtra barbare, tout comme l’âge du cannibalisme aujourd’hui. Ce développement se produira si nous y croyons et si nous nous battons pour lui ; si nous ne sommes ni trop court-termistes ,  au point de perdre de vue les grandes lignes du développement — ni trop long-termistes , au point de ne pas voir les chemins et les obstacles pratiques, ceux-là mêmes qui se dressent entre nous et nos buts ; c’est-à-dire si nous somme suffisamment lucides ,  et si nous allions la connaissance claire des luttes et des difficultés imminentes, avec la volonté héroïque de les dépasser. Ce n’est que cet optimisme du vouloir qui complétera et vaincra le pessimisme de la connaissance. Au lieu de demeurer dans les chaînes inactuelles du présent, et de rêver sans rien faire à de meilleures possibilités, nous voulons prendre ainsi une part active au développement du monde, à travers un idéalisme pratique.

    Avant propos
    R.N. Coudenhove Kalergi

    Vienne, novembre 1925                                                                                                                 -->

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