• Le sommeil

    Aucun changement ! Mon état, vraiment, est bizarre. A mesure qu’approche le soir, une inquiétude incompréhensible m’envahit, comme si la nuit cachait pour moi une menace terrible. Je dîne vite, puis j’essaye de lire ; mais je ne comprends pas les mots ; je distingue à peine les lettres. Je marche alors dans mon salon de long en large, sous l’oppression d’une crainte confuse et irrésistible, la crainte du sommeil et la crainte du lit.
    Vers dix heures, je monte dans ma chambre. A peine entré, je donne deux tours de clef, et je pousse les verrous ; j’ai peur... de quoi ?... Je ne redoutais rien jusqu’ici... j’ouvre mes armoires, je regarde sous mon lit ; j’écoute... j’écoute... quoi ?... Est-ce étrange qu’un simple malaise, un trouble de la circulation peut-être, l’irritation d’un filet nerveux, un peu de congestion, une toute petite perturbation dans le fonctionnement si imparfait et si délicat de notre machine vivante, puisse faire un mélancolique du plus joyeux des hommes, et un poltron du plus brave ? Puis, je me couche, et j’attends le sommeil comme on attendrait le bourreau. Je l’attends avec l’épouvante de sa venue ; et mon cœur bat, et mes jambes frémissent ; et tout mon corps tressaille dans la chaleur des draps, jusqu’au moment où je tombe tout à coup dans le repos, comme on tomberait pour s’y noyer, dans un gouffre d’eau stagnante. Je ne le sens pas venir, comme autrefois, ce sommeil perfide, caché près de moi, qui me guette, qui va me saisir par la tête, me fermer les yeux, m’anéantir.
    Je dors — longtemps — deux ou trois heures — puis un rêve — non — un cauchemar m’étreint. Je sens bien que je suis couché et que je dors,... je le sens et je le sais... et je sens aussi que quelqu’un s’approche de moi, me regarde, me palpe, monte sur mon lit, s’agenouille sur ma poitrine, me prend le cou entre ses mains et serre... serre... de toute sa force pour m’étrangler.
    Moi, je me débats, lié par cette impuissance atroce, qui nous paralyse dans les songes ; je veux crier, — je ne peux pas ; — je veux remuer, — je ne peux pas ; — j’essaye, avec des efforts affreux, en haletant, de me tourner, de rejeter cet être qui m’écrase et qui m’étouffe, — je ne peux pas !
    Et soudain, je m’éveille, affolé, couvert de sueur. J’allume une bougie. Je suis seul.
    Après cette crise, qui se renouvelle toutes les nuits, je dors enfin, avec calme, jusqu’à l’aurore.

    Guy de Maupassant, Le Horla (1887). *

    « Pour info: Ce que pense Luc Montagnier au sujet du vaccinHannigan & GSO - LIGETI Mysteries of the Macabre »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    4
    Saby
    Lundi 23 Novembre 2020 à 22:05

    Oh oui les petites choses qui manquent et qui ne se remplacent pas .... je t'avoue que seule la nuit je ne suis pas rassurée (même dans ma campagne) si tu es comme moi je comprends que sortir la nuit avant de te coucher te manque ;))

      • Mardi 24 Novembre 2020 à 17:37

        Aujourd'hui je ne m'aventurerais pas toute seule, mais à deux oui yes

         

    3
    Saby
    Lundi 23 Novembre 2020 à 17:52

    Brrrrrr....... Je ne souhaite pas ressentir cela un jour  ....... j'aime tant aller me lover sous ma couette avec mon livr'ami , ma tasse de potion magique , ma bougie parfumée et mon plaid .... un moment magique la nuit ..... même si je ne dors que quelques heures ..... Les cauchemars m'assaillent parfois comme tout le monde mais il y a aussi les doux rêves qui m'emportent loin loin de ce monde chaotique quand je m'endors tranquille ....

      • Lundi 23 Novembre 2020 à 18:26

        Comme je te comprends. J'ai toujours aimé la nuit. Quand j'étais enfant, mon père nous amenait, mes frères et moi,  faire une longue promenade nocturne avant d'aller au lit...j'avoue que cela me manque aujourd'hui
        Bises Saby

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :