• MAUPASSANT, Lettre à MMe de Commanville , 1880.

     

    "Chère Madame,
    Votre lettre m'a fait du bien, car je suis dans un état moral vraiment triste. Plus la mort du pauvre Flaubert s'éloigne, plus son souvenir me hante, plus je me sens le cœur endolori et l'esprit isolé. Son image est sans cesse devant moi, je le vois debout, dans sa grande robe de chambre brune qui s'élargissait quand il levait les bras en parlant. Tous ses gestes me reviennent, toutes ses intonations me poursuivent, et des phrases qu'il avait coutume de dire sont dans mon oreille comme s'il les prononçait encore. C'est le commencement des dures séparations, de ce dépècement de notre existence, où disparaissent l'une après l'autre toutes les personnes que nous aimions, en qui étaient nos souvenirs, avec qui nous pouvions causer le mieux des choses intimes.
    Ces coups-là nous meurtrissent l'esprit et y laissent une souffrance continue qui demeure en toutes nos pensées.
    (...)
    Je sens en ce moment d'une façon aiguë l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des événements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui ; car il avait, comme personne, ce sens des philosophies qui ouvre sur tout des horizons, vous tient l'esprit aux grandes hauteurs d'où l'on contemple l'humanité entière, d'où l'on comprend l'« éternelle misère de tout ».
    Voilà, madame, des choses tristes, mais les choses tristes valent mieux, lorsqu'on a le cœur affligé, que les choses indifférentes.
    "Chère Madame,
    Votre lettre m'a fait du bien, car je suis dans un état moral vraiment triste. Plus la mort du pauvre Flaubert s'éloigne, plus son souvenir me hante, plus je me sens le cœur endolori et l'esprit isolé. Son image est sans cesse devant moi, je le vois debout, dans sa grande robe de chambre brune qui s'élargissait quand il levait les bras en parlant. Tous ses gestes me reviennent, toutes ses intonations me poursuivent, et des phrases qu'il avait coutume de dire sont dans mon oreille comme s'il les prononçait encore. C'est le commencement des dures séparations, de ce dépècement de notre existence, où disparaissent l'une après l'autre toutes les personnes que nous aimions, en qui étaient nos souvenirs, avec qui nous pouvions causer le mieux des choses intimes.
    Ces coups-là nous meurtrissent l'esprit et y laissent une souffrance continue qui demeure en toutes nos pensées.
    (...)
    Je sens en ce moment d'une façon aiguë l'inutilité de vivre, la stérilité de tout effort, la hideuse monotonie des événements et des choses et cet isolement moral dans lequel nous vivons tous, mais dont je souffrais moins quand je pouvais causer avec lui ; car il avait, comme personne, ce sens des philosophies qui ouvre sur tout des horizons, vous tient l'esprit aux grandes hauteurs d'où l'on contemple l'humanité entière, d'où l'on comprend l'« éternelle misère de tout ».
    Voilà, madame, des choses tristes, mais les choses tristes valent mieux, lorsqu'on a le cœur affligé, que les choses indifférentes.

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