• On s'est donné un mal inouï pour me sortir de ma torpeur

     

    On s'est donné un mal inouï pour me sortir de ma torpeur. Comme j'en ai parcouru des maîtres, et tous admirés jusqu'au bout, sur toutes les coutures, des heures et des heures... chacun... des fins cliniciens ventropètes, des hygiénistes si convaincus, si transformateurs, rénovateurs. si prometteurs que simplement leur salive valait déjà le prix des diamants. Irisés mirages! J'en ai vu des cardiologistes! des endocriniens éperdus! des physiopathes sympatologues, et des encore bien plus étranges, plus péremptoires, confusionnistes, superspicaces les uns que les autres... Graine de Dieu!... quel tourment! quelle engeance! Tous les néo-Diafoirus du Progrès moderne ils se sont donné rendez-vous pour éberluer ma pauvre  gomme... Ah! ce que j'ai pu les subir!... vertigineux, impérieux, vindicatifs ou miellés... toujours à se prendre, se déprendre... se perdre un peu, s'entortiller... se faire " venir " sur un glaviot, sur une pelure de lentille, sur un poil pénien, une sottise, un mot, des heures encore pour une virgule, dans tous les sens... Comme c'est bavard, puéril et fat, étroit, râleux, boudah, inquiet, mégalomane, persécutant, un humble chercheur!... Le pire des cabots, un Sacha, c'est encore qu'une pâle violette auprès d'un loucheur en " micro ", d'un effileur de pipettes... Les pires " m'as-tu-lu
    " du monde, les plus susceptibles cabotins, les plus irascibles vedettes c'est dans les " Congrès " qu'on les trouve, dans les bagarres de vanité, pour les " Avancements des Sciences ". Faut entendre alors ces gueulements! faut observer ces tours de vache! Ils sont prêts à tous les crimes pour voir leur blaze en compte rendu élogieux. Yubelblat, mon cher patron, c'était son métier tout spécial, son oeuvre internationale d'entretenir des relations suivies avec tous les grands ténors de la Découverte... Moi, mon petit afur personnel, ça consistait à l'aider dans le cours de sa politique, l'approche, la diplomatie, l'art de faire plaisir à tout le monde, à la mère, au pére, aux cousins... Tâche bien aride s'il en fut! A travers ces bilieux ingrats au possible... les échecs tournent en vinaigre, en instantanées ruptures, en vexations considérables, diplomatiques... Les savants sont impitoyables sous le rapport vanité... C'est pas, croyez, une petite pause que de rassurer un savant, de bien lui ancrer dans le cassis, que c'est bien lui le premier du monde, le tout excellentissime, qu'on en connaît pas deux comme lui... sous le rapport intuition... bouleversantes synthèses... probité, etc... Ca demande beaucoup de gestes et de paroles et des écritures continuelles et des ruses irréprochables, et puis un culot pas croyable, et puis une mémoire des bobards, absolument extraordinaire, impeccable, extra-lucide. C'est la question de vie ou de mort, de se rappeler ce qu'on a dit. La moindre gaffe c'est la bascule!... en toute occasion et par tous les moyens valables ou probables, les savants
    doivent jubiler d'un bout à l'autre des Etats, des 48, pas une seconde de répit pour leur passer des pommades, leur envoyer des petits
    "rappels ", des petits fafiots, des transports gratuits, mille " frais ", dix mille confidences, cent mille compliments et puis des tours de Commissions, pour qu'ils puissent venir en personne à Genève, s'acheminer... s'étaler discourir encore. Bernard Léon de Paris, ce gros rabbin médical, parfaitement prétentieux et nul était un des grands assidus de la Princesse du Léman... On l'a bien connu nous autres, c'était un raciste effréné (presque aussi actif que Widal, et c'est pas une bagatelle !). Il a fait énormément pour l'invasion des médecins youtres, leur triomphe en ville. Toute sa carrière a consisté, sous des apparences, à faire naturaliser 5 à 6 médecins juifs par semaine... tous racistes évidemment... Ils lui doivent une vraie statue, ces alluvionnaires, dans la cour de la Faculté en or ! sur un veau. Yubelblat, faut lui rendre justice, il était bien moins con que les autres, dans le genre des grands savants, bien moins mesquin, moins abruti, moins prétentieux. Il pigeait parfaitement l'astuce. Il délirait pas dans sa glace. Mais il était erratique comme tous les vrais prépucés, il tenait pas en place. Il fallait qu'il trace, qu'il revendique. Son genre de
    voyage favori, c'était la Chine... Il allait militer par là... Il faisait un saut jusqu'au Japon... Il préparait les petites affaires.  Et puis il rentrait dare-dare... Il retraversait toute la planète pour un télégramme, pour un soupir... pour rien du tout... Il repassait par la Russie... Il repassait plus par la Russie... Il rappliquait par le Sud. Il rattrapait son télégramme... son soupir... son rien du tout. Et puis floc ! je le voyais jaillir ! un matin ! je le retrouvais d'un seul coup ! derrière son bureau... Il émergeait de l'autre bout du monde... comme ça... Il faisait le juif errant, l'homme-lubie, l'insolite... Pour réfléchir, il s'arrêtait, derrière ses binocles, il oscillait en avant... tout doucement sur ses tatanes... des vrais bateaux... comme le pendule... Cette manière de se tenir, bizarre, dans la vie, de disparaître dans les fugues et puis de revenir " courant d'air " ... ça ressemblait pas à grand' chose. On aurait bien pu penser : cette agitation est grotesque, ce n'est que de la dispersion, du " pas sérieux ", de l'étourderie. Cet homme travaille du grelot. Et pourtant c'était l'essentiel faut pas se fourvoyer. Regardez un peu les fourmis comment elles s'agitent... elles font pas toutes vraiment quelque chose, elles transportent pas toutes une bricole... elles vont, elles passent... c'est leur boulot ! ... elles reviennent... elles se dépêchent... elles lambinent... elles ont plus l'air de savoir... de se promener au petit bonheur... et puis pourtant elles fourmillent.. elles
    ont leur idée... c'est ça l'essentiel : fourmiller.
    Comme les Juifs ils sont pas beaucoup en proportion sur la terre (15 millions) , il faut que partout ils se montrent, qu'ils soient partout à la fois, qu'ils essaiment les bonnes paroles à travers les colonies juives et les puissants de la juiverie, et les tout petits Juifs aussi, occultes ou avoués, apparents ou camouflés, mais tous bien racistes... il faut que la ferveur s'entretienne, l'excellente entente, les courants ardents de l'oeuvre, la passion du triomphe prochain, avec des " chiffres ", à l'aide des " chiffres ", de statistiques, d'autres bilans encore, d'autres ,victoires partielles, des Congrès à l'infini, pour la Paix, pour la Paix toujours, pour le progrès, la lumière, l'avancement des sciences et des hommes... Comme ça et toujours et tout le temps, de Washington jusqu'en Chine, de Gênes en Grèce, au Canada... C'est un afurformidable Pas une minute d'interruption... Promettre... Promettre... flatter en traçant ... réveiller le zèle ou la haine... qui s'attardent, s'affaiblissent, se perdent ... Relancer ! Quel tam-tam... Veiller au grain ! Parcourir ... Parcourir ! Disparaître... Il était infatigable en ses pirouettes, prestes échappées, trapèzes... colloques furtifs, mystères et passe-passe internationaux, le frêle Yubelblat. Toujours en "coléanisme ", en voltige, vertiges, entre deux câbles, deux télégrammes, deux rappels. Toujours en train de se relancer un peu plus loin. dans la pagaïe, dénicher encore d'autres trames, d'autres
    filins plus embrouillés, raccrocher le tout en énigmes, et puis défendre toutes ces intrigues par des petites trappes bien occultes. il arrêtait
    pas... On le voyait... on le voyait plus... Il me rappelait du Zoo de Londres, cet animal extravagant l'ornithorynx qu'est si habile, le faux
    castor incroyable, qu'a un bec énorme d'oiseau, qu'arrête pas aussi de plonger, de fouiner, de revenir... Il disparaissait imprévisible la même
    chose Yubelblat... Plaf !... il enfonce, plonge dans les Indes... on le voit plus ! ! Une autre fois c'est dans la Chine... dans les Balkans dans les ombres du monde... dans la profondeur... Il revenait à la surface tout éberlué, clignotant... Il était habillé tout noir comme l'ornithorynx... et puis aussi l'énorme tarin, exactement aussi marrant... cornu comme l'ornithorynx... Il était souple à l'infini... extraordinaire à regarder, mais au bout des poignes par exemple, il avait aussi des griffes... et des venimeuses comme l'ornithorynx... Il fallait déjà le connaître depuis vraiment un bon moment pour qu'il vous les montre... la confiance c'était pas son faible... Enfin je vais pas prétendre que je m'ennuyais sous ses ordres... Ça serait mentir... Tel qu'il était il me plaisait bien... J'avais même pour lui de l'affection... Bien sûr il oubliait pas de m'arranger de temps à autre... de me faire déguster une vacherie... Mais moi, je ne me gênais pas non plus... Y avait une petite lutte sournoise. Un jour qu'il m'avait laissé comme ça trop longtemps à Genève, dans les boulots imbéciles, à mariner sur les dossiers, j'ai comploté dans mon genre, une petite pièce de théâtre, c'était assez inoffensif " l'Eglise ". Elle était ratée, c'est un fait... mais quand même y avait de la substance... je lui ai fait lire à Yubelblat. Lui qui se
    montrait dans la vie le plus éclectique des youtres, jamais froissé de rien du tout, ce coup-là quand même, il s'est mordu... Il a fait une petite grimace... Il a jamais oublié... Il m'en a reparlé plusieurs fois.
    J'avais pincé la seule corde qu'était défendue, qu'était pas bonne pour les joujoux. Lui il avait nettement compris. Il avait pas besoin de dessin...

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