• Je ne dis pas : Il est trop tard,
    Nous avons laissé se mourir la terre,
    Elle ne portera plus
    Les fruits de la lumière
    Et ses graines de vie.
    Je dis : Le ciel demeure
    Ouvert au soleil, aux étoiles,
    Tous les arbres n’ont pas péri,
    Les feux brûlent aussi de joie.

    Je ne dis pas : Il fait si noir
    Que les hommes ne peuvent plus voir
    Le visage de ceux qu’ils aiment,
    Ils ont oublié le silence
    Mais ne savent plus se parler.
    Je dis : Chaque aube tient promesse,
    Elle te rend ce que la nuit
    Avait effacé pour toujours,
    Les fleurs, l’espoir, le goût du vent
    Sur les plages bleues du matin.

    Je ne dis pas : Les sources sont taries.
    Je dis que rien jamais n’est perdu,
    C’est à toi de creuser plus profond
    Pour que l’eau pure à nouveau jaillisse.

     

    Pierre Gabriel (Bordeaux, 1926-1994) *

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  • Douce lune des fleurs, j’ai perdu ma couronne !
    Je ne sais quel orage a passé sur ces bords.
    Des chants de l’espérance il éteint les accords,
    Et dans la nuit qui m’environne,
    Douce lune des fleurs, j’ai perdu ma couronne.

    Jette-moi tes présents, lune mystérieuse,
    De mon front qui pâlit ranime les couleurs ;
    J’ai perdu ma couronne et j’ai trouvé des pleurs ;
    Loin de la foule curieuse,
    Jette-moi tes présents, lune mystérieuse.

    Entrouvre d’un rayon les noires violettes,
    Douces comme les yeux du séduisant amour.
    Tes humides baisers hâteront leur retour.
    Pour cacher mes larmes muettes,
    Entrouvre d’un rayon les noires violettes !

     

    Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859) —Poésies

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  • Lorsque s'épand sur notre seuil la neige fine
    Au grain diamanté,
    J'entends tes pas venir rôder et s'arrêter
    Dans la chambre voisine.

    Tu retires le clair et fragile miroir
    Du bord de la fenêtre,
    Et ton trousseau de clefs balle au long du tiroir
    De l'armoire de hêtre.

    J'écoute et te voici qui tisonnes le feu
    Et réveilles les braises ;
    Et qui ranges autour des murs silencieux
    Le silence des chaises.

    Tu enlèves de la corbeille aux pieds étroits
    La fugace poussière,
    Et ta bague se heurte et résonne aux parois
    Frémissantes d'un verre.

    Et je me sens heureux plus que jamais, ce soir,
    De ta présence tendre,
    Et de la sentir proche et de ne pas la voir,
    Et de toujours l'entendre.

     

    Émile VERHAEREN (1855-1916)

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  •  

    Le ciel peut s'éveiller, les étoiles fleurir,
    Ni les fleurs soupirer, et des prés l'herbe noire
    Accueillir la rosée où le matin va boire,
    Le clocher peut sonner : moi seul je vais mourir.

    Ô viens mon ciel de rose, ô ma corbeille blonde!
    Visite dans sa nuit ton condamné à mort.
    Arrache-toi la chair, tue, escalade, mords,
    Mais viens! Pose ta joue contre ma tête ronde.

    Nous n'avions pas fini de nous parler d'amour.
    Nous n'avions pas fini de fumer nos gitanes.
    On peut se demander pourquoi les Cours condamnent
    Un assassin si beau qu'il fait pâlir le jour.

    Amour viens sur ma bouche ! Amour ouvre tes portes !
    Traverse les couloirs,descends, marche léger,
    Vole dans l'escalier plus souple qu'un berger,
    Plus soutenu par l'air qu'un vol de feuilles mortes.

    Ô traverse les murs; s'il le faut marche au bord
    Des toits, des océans, couvre-toi de lumière,
    Use de la menace, use de la prière,
    Mais viens, ô ma frégate, une heure avant ma mort.

     

    Le Condamné à mort et autres poèmes, suivi de " Le Funambule"  -  Jean Genet *
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  •  

    Tu me vois bon, charmant et doux, ô ma beauté ;
    Mes défauts ne sont pas tournés de ton côté ;
    C'est tout simple. L'amour, étant de la lumière,
    Change en temple la grotte, en palais la chaumière,
    La ronce en laurier-rose et l'homme en demi-dieu.
    Tel que je suis, rêvant beaucoup et valant peu,
    Je ne te déplais pas assez pour que ta bouche
    Me refuse un baiser, ô ma belle farouche,
    Et cela me suffit sous le ciel étoilé.
    Comme Pétrarque Laure et comme Horace Églé,
    Je t'aime. Sans l'amour l'homme n'existe guère.
    Ah ! j'oublie à tes pieds la patrie et la guerre
    Et je ne suis plus rien qu'un songeur éperdu.

    Victor HUGO (1802-1885)

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