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    Enfants ! ma voix s'enferme trop souvent.    
    Vous grandissez, impatients d'orage ;
    Votre aile s'ouvre, émue au moindre vent.
    Affermissez votre raison qui chante ;
    Veillez sur vous comme a fait mon amour ;
    On peut gronder sans être bien méchante :
    Embrassez-moi, grondez à votre tour.

    Vous n'êtes plus la sauvage couvée,
    Assaillant l'air d'un tumulte innocent ;
    Tribu sans art, au désert préservée,
    Bornant vos voeux à mon zèle incessant :
    L'esprit vous gagne, ô ma rêveuse école,
    Quand il fermente, il étourdit l'amour.
    Vous adorez le droit de la parole :
    Anges, parlez, grondez à votre tour.

    Je vous fis trois pour former une digue
    Contre les flots qui vont vous assaillir :
    L'un vigilant, l'un rêveur, l'un prodigue,
    Croissez unis pour ne jamais faillir,
    Mes trois échos ! l'un à l'autre, à l'oreille,
    Redites-vous les cris de mon amour ;
    Si l'un s'endort, que l'autre le réveille ;
    Embrassez-le, grondez à votre tour !

    Je demandais trop à vos jeunes âmes ;
    Tant de soleil éblouit le printemps !
    Les fleurs, les fruits, l'ombre mêlée aux flammes,
    La raison mûre et les joyeux instants,
    Je voulais tout, impatiente mère,
    Le ciel en bas, rêve de tout amour ;
    Et tout amour couve une larme amère :
    Punissez-moi, grondez à votre tour.

    Toi, sur qui Dieu jeta le droit d'aînesse,
    Dis aux petits que les étés sont courts ;
    Sous le manteau flottant de la jeunesse,
    D'une lisière enferme le secours !
    Parlez de moi, surtout dans la souffrance ;
    Où que je sois, évoquez mon amour :
    Je reviendrai vous parler d'espérance ;
    Mais gronder... non : grondez à votre tour !

    Marceline Desbordes-Valmore, Bouquets et prières *

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     Voyez-vous ce blessé qui se tord sur la terre?
    Il va mourir ici, près du bois solitaire,
    Sans que de sa souffrance un seul cœur ait pitié;
    Mais ce qui doublement fait saigner sa blessure,
    Ce qui lui fait au cœur la plus âpre morsure,
    C’est qu’en se souvenant, il se sent oublié.
    M. Lermontov

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    Ta bouche

     

    Ta bouche a deux façons charmantes de causer,
    Deux charmantes façons : le rire et le baiser.

    Si vous voulez savoir celle que je préfère,
    J’aime mieux celle-ci, mais l’autre m’est plus chère.

    Albert Mérat *

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    Aux branches que l'air rouille et que le gel mordore,
    Comme par un prodige inouï du soleil,
    Avec plus de langueur et plus de charme encore,
    Les roses du parterre ouvrent leur coeur vermeil.

    Dans sa corbeille d'or, août cueillit les dernières :
    Les pétales de pourpre ont jonché le gazon.
    Mais voici que, soudain, les touffes printanières
    Embaument les matins de l'arrière-saison.

    Les bosquets sont ravis, le ciel même s'étonne
    De voir, sur le rosier qui ne veut pas mourir,
    Malgré le vent, la pluie et le givre d'automne,
    Les boutons, tout gonflés d'un sang rouge, fleurir.

    En ces fleurs que le soir mélancolique étale,
    C'est l'âme des printemps fanés qui, pour un jour,
    Remonte, et de corolle en corolle s'exhale,
    Comme soupirs de rêve et sourires d'amour.

    Tardives floraisons du jardin qui décline,
    Vous avez la douceur exquise et le parfum
    Des anciens souvenirs, si doux, malgré l'épine
    De l'illusion morte et du bonheur défunt.

    Nérée BEAUCHEMIN (1850-1931) *

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    Aucune paix en moi, qui ne puis combattre,
    Je crains, espère, brûle, je suis de glace;
    Je vole par le ciel et je gis sur terre,
    Je n'étreins rien, j'ai dans mes bras le monde.

    Et celle qui m'emprisonne, elle ne m'ouvre
    Ni ne défait mes liens ni ne veut de moi.
    Ainsi me tue Amour, qui ne me libère,
    Ni ne me veut en vie, ni en repos.

    Je vois sans yeux et sans bouche je crie,
    Je veux mourir mais appelle au secours,
    J'ai de moi haine et d'elle, ah, quel amour!

    Je broute la douleur, je ris en pleurs,
    Je déteste aussi bien la mort que la vie,
    Madame, je suis tel à cause de vous.

    "Je vois sans yeux et sans bouche je crie" Pétrarque *

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