-
Par Cruella le 9 Septembre 2023 à 09:10
Il ne suffit pas d’ouvrir la fenêtre
Pour voir les champs et la rivière.
Il n’est pas suffisant de ne pas être aveugle
Pour voir les arbres et les fleurs.
Il ne faut avoir aucune philosophie.
Avec la philosophie, il n’y a pas d’arbres : il y a seulement des idées.
Il n’y a que chacun de nous, pareil à une cave.
Il n’y a qu’une fenêtre fermée, et le monde entier au-dehors ;
Et un rêve de ce qui pourrait être vu si la fenêtre s’ouvrait,
et qui n’est jamais ce qui est vu lorsque la fenêtre s’ouvre.
F. Pessoa
votre commentaire -
Par Cruella le 1 Septembre 2023 à 10:00
J’ai lu comme vous tous les journaux tous les bouquins,
et je n’ai rien compris au monde
et je n’ai rien compris à l’homme,
bien qu’il me soit souvent arrivé d’affirmer le contraire.
Et quand la mort, la mort est venue, peut-être
ai-je prétendu savoir ce qu’elle était mais vrai,
je puis vous le dire à cette heure,
elle est entrée toute en mes yeux étonnés,
étonnés de si peu comprendre –
avez-vous mieux compris que moi ?Et pourtant, non !
je n’étais pas un homme comme vous.
Vous n’êtes pas nés sur les routes,
personne n’a jeté à l’égout vos petits
comme des chats encore sans yeux,
vous n’avez pas erré de cité en cité
traqués par les polices,
vous n’avez pas connu les désastres à l’aube,
les wagons de bestiaux
et le sanglot amer de l’humiliation,
accusés d’un délit que vous n’avez pas fait,
d’un meurtre dont il manque encore le cadavre,
changeant de nom et de visage,
pour ne pas emporter un nom qu’on a hué
un visage qui avait servi à tout le monde
de crachoir!Un jour viendra, sans doute, quand le poème lu
se trouvera devant vos yeux. Il ne demande
rien ! Oubliez-le, oubliez-le ! Ce n’est
qu’un cri, qu’on ne peut pas mettre dans un poème
parfait, avais-je donc le temps de le finir ?
Mais quand vous foulerez ce bouquet d’orties
qui avait été moi, dans un autre siècle,
en une histoire qui vous sera périmée,
souvenez-vous seulement que j’étais innocent
et que, tout comme vous, mortels de ce jour-là,
j’avais eu, moi aussi, un visage marqué
par la colère, par la pitié et la joie,
un visage d’homme, tout simplement !
1942BENJAMIN FONDANE (1898~1944)
votre commentaire -
Par Cruella le 25 Août 2023 à 09:40
Toutes les fleurs veulent se changer en fruits,
Toute matinée veut devenir soirée,
Sur terre rien n’est éternité,
Si ce n’est le mouvement, le temps qui fuit.
Même le plus bel été veut voir une fois
La nature qui se fane, l’automne qui vient.
Reste tranquille, feuille, garde ton sang-froid
Lorsque le vent veut t’enlever au loin.
Poursuis tes jeux et ne te défends pas,
Laisse les choses advenir sans heurts,
Laisse enfin le vent qui te détacha
Te conduire jusqu’à ta demeure."Eloge de la vieillesse" Hermann Hesse *
votre commentaire -
Par Cruella le 21 Août 2023 à 09:50
Ce soir, an fond d'un ciel uniforme d'automne,
La lune est toute seule ainsi qu'un bâtiment
Perdu sur les déserts marins, et lentement
Vogue dans l'infini de la nuit monotone.
Ce n'est pas la clarté des monotones nuits
Brillantes d'or fluide et de brume opaline ;
Mais le ciel gris est plein de tristesse câline
Ineffablement douce aux coeurs chargés d'ennuis.
Chère, mon âme obscure est comme un ciel mystique,
Un ciel d'automne, où nul astre ne resplendit,
Et ton seul souvenir, ce soir, monte et grandit
En moi, comme une lune immense et fantastique.
Chère, nous n'avons pas été de vrais amants :
C'est par caprice et par ennui que nous nous prîmes,
Et pourtant, j'ai voulu te façonner des rimes,
Bijoux sacrés, ayant d'étranges chatoîments.
C'est qu'au fond de mon coeur mystérieux d'artiste,
Le souvenir de ton amour pâle et banal
Verse tomme le ciel en un bois automnal
Un reflet alangui de clair de lune tristeÉphraïm MIKHAËL
votre commentaire -
Par Cruella le 13 Août 2023 à 10:20
Oh, Océan sévère
Aux couleurs de ciel en colère,
Qui semble gémir jour et nuit
Avec un lent murmure comme un rêve qui fuit.
Oh, Océan sévère
Qui semble pleurer la folie
De ce monde que l'on dit joli
Et qui gronde lentement et se venge
Dans une plainte éternelle et étrange.
Oh, Océan sévère
Qui berce une force impuissante
Contre cette terre pleine de joie trompeuse et incessante.
Oh, Océan sévère
Qui berce une ambition étouffée
Qui semble vouloir s'élancer
Et engloutir dans un éternel oubli
Cette terre objet de son juste courroux,
Alors, oh! Océan sévère,
Tes tristes plaintes et tes larmes seront taries,
Et tu deviendras une caresse au lieu d'un océan en furie.
Anaïs Nin (8 décembre 1915, douze ans) *
votre commentaire
Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique