[Non datée]
Chère Alejandra,
Juste après avoir reçu votre lettre je suis allé chez Verbum pour acheter un ouvrage sur la vie de Vallejo que j’avais repéré en vitrine il y a quelque temps. Il ne s’y trouvait plus ; ils l’avaient vendu. Et Vázquez n’a pas été en mesure de me trouver des informations concrètes (auteur, éditeur) afin que je puisse le trouver dans une autre librairie. Il a juste pu me dire que, dans un ou deux mois, il en recevrait un nouvel exemplaire. Je suis allé voir d’autres librairies mais personne n’en avait entendu parler. J’aurais voulu vous aider de façon positive dans votre entreprise, mais malheureusement (dans l’immédiat en tout cas) cela n’est pas possible. La seule chose que je peux faire, en revanche, c’est vous dire que si vous avez vécu avec conviction et enthousiasme votre projet, c’est le signe que quelque chose en vous veut changer. Ne vous découragez pas. Et ne soyez pas aussi radicale dans vos choix. Il ne s’agit pas de délaisser l’écriture de poèmes au profit d’une littérature d’une autre densité. Si tel était le cas, je vous dirais tout de go de rejeter ce genre de réflexe. Par ailleurs, ne vous y trompez pas : vous ne pourriez ni arrêter d’écrire des poèmes ni vous adonner exclusivement à autre chose.
De plus, je pense que vous devriez faire, même pour la télévision, ce que vous sentez réellement. J’ai bien conscience que la perspective commerciale et le grand public visé peuvent constituer un obstacle insurmontable, mais sait-on jamais ! Ce que vous faites peut être capté et apprécié parce que votre langue, bien que vous considériez qu’elle vient de mondes irréels et fantastiques, peut toucher chez plus de gens que vous ne l’imaginiez des cordes sensibles qui n’attendent que ceux qui sauront les faire vibrer.
Quant à votre projet de vous fixer définitivement à Paris, je ne veux pas vous donner mon avis. La seule chose qui compte est que vous découvriez par vous-même ce dont vous avez réellement envie et dans quel lieu vous sentez que vous pourriez y parvenir le mieux.
Je me suis mis à imaginer qu’à Paris vous pourriez devenir une figure littéraire importante, parce que c’est déjà le cas, mais Paris (qu’on le veuille ou non) est toujours la grande caisse de résonance de la littérature dans le monde.
Ecrivez-moi vite pour me dire où en est votre scénario.
Aglae, Andrea et moi-même vous embrassons,
León Ostrov
Tout juste après avoir fini cette lettre je tombe sur cette nouvelle en feuilletant le dernier numéro d’Insula : La revue madrilène Indice a consacré son numéro de février 1960 à la vie et l’œuvre de Vallejo. Il me semble que vous ne devriez pas avoir trop de mal à vous procurer un exemplaire de ce numéro à Paris ou, en dernière instance, à vous le faire envoyer depuis Madrid.