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TOUT DOIT DISPARAÎTRE (2) 5/5
Jadis, on s’habillait en fonction de ses idées. Maintenant, les idées se cousent d’après les vêtements. Tout le monde devient un costume. Ce sont tous des mannequins. C’est à vous dégoûter de vous habiller. Même les Grandes Marques finissent par suivre ça quand même. Tant pis ! Vous devez suivre ! Ou mourir nu ! C’est universel. Pas de choix pour les autres.
Il est loin le vieux baba cool des années soixante-dix, mou et sale, au ridicule dégingandisme, au risible idéalisme, avec sa fleur pendinolente. Le beatnik sombre dans l’archéologie. La vieille barbe de somme déprimée, bonne pour le Musée.
Brontosaure pour brontosaure, autant rester classique : pas d’hésitation : restons toujours très bien habillés !
Quant à ceux qui font semblant de bien s’habiller, ils s’habillent bien, comme on dit de quelqu’un qu’il « écrit bien ».
J’aime beaucoup voir circuler les nouveaux play-boys de notre époque. Vous savez, les Pastelisés ! Eux qui pâment les gazelles trempées. Elles leur trouvent un charme fou de la conasse. C’est bien exact de fausse beauté, de mièvrerie et de basse classe.
Bel-Homme est un grand mou type qui a mis une heure avant de s’habiller, qui a cherché ce qui pourrait aller avec le parapluie, qui a choisi ses badges, ses chaînes, toutes ses écailles et ses noyaux. Il est mignon dans le sens nul. Les yeux tellement clairs qu’on ne voit plus le regard. Les narines si petites qu’on peut pas y rentrer le doigt. Ça rentre pas. Blond filasse. Bronzé carotène. Ventre en avant. Chaussettes Burberry’s à losanges. Jean urf. Mocassins bordeaux à grappes de pompons, vestes en tweed (col relevé) et par-dessus tout le superfameux pull jaune canari qui fait du Bel-Homme d’aujourd’hui enfin le superbe petit poussin qu’on rêverait d’étouffer dans l’œuf !
Mais les plus beaux, ce sont les plus jeunes encore ! Les lévriers afghans humains qui se déhanchent par demi-douzaines d’une façon exténuée. Ce sont les ambassadeurs de la nouvelle mode.
Vous qui entrez, laissez toute élégance ! Voici l’escouade des jeunes gens modernes. Tous le même regard. Ne cherchez pas d’innocence sur leurs visages. Les filles de treize ans ressemblent aux putes de dix-huit. Plus d’enfance. Jamais plus. Surtout pas d’univers à elles. Leur noyau personnel en mille éclats dans l’espace. Pulvérisance. Pour elles, avoir de la classe c’est être vulgaire. On a l’impression d’être toujours au bordel dans la rue.
C’est la génération des magazines. Tout ce qu’il y a de nouveau est beau. L’Histoire commence à partir d’eux. C’est la haine de la continuité. La haine des autres. *
C’est l’extravagant cortège hargneux des New-Larves. Ils se rendent vite dans un hangar pour y dégorger leurs énormes manques. C’est la brutalité de la mièvrerie viandée, du fade imberbe, imbus, de la plus effarante singerie de vieilles modes de tous les temps. Nous voici absolument en pleine anthologie de modes. C’est fantastique ! On change de mode comme de chemise. Nous en sommes aux ablettes bordées de nouilles qui vont poser leur pêche aux Ex-Bains ou dans un quelque autre Hall de Gare aux couleurs électriques. Jeunes pédés aux couilles pas encore descendues, tout droit sortis de San Francisco, très propres, avec la ceinture militaire qui pendouille, les pattes rasées, les tennis neigeux et les lunettes du Fantôme du Bengale.
Plus ils sont homos, plus ils s’affichent avec des filles. La nuit, ils rôdent symboliquement autour du Trou des Halles ou arpentent le Forum…
Se faire pédé maintenant est une véritable mode : peut-être la plus tenace de nos années. Il ne faut pas croire : on n’est plus pédé aujourd’hui comme on était pédé autrefois, du temps de Proust, Oscar, Gide ou Jean Marais. Les jeunes se font Pédés par goût de la minorité d’abord et par mimétisme bêta ensuite, comme des phasmes qui se montent pour faire comme les autres. Pas le quart des pédés d’aujourd’hui est né pédé, maladivement pédé, incurable à vomir, tendancieux du berceau… Que les mères se rassurent : dans cinq-six ans leur bambin refermera son paquet de pâtes, il fondera – graphiste ou attaché de presse – une famille normale. Beaucoup d’Undergrounds jointés des années soixante-dix s’en sont très bien sortis, pourquoi pas les tantouzes d’occase ? La folle jeunesse fait son temps : il faut qu’enculage se passe.
Il y a un snobisme du pédé, une symbolique de la nouvelle tante : propreté, préciosité, argent, couleurs, bons repas, non-violence, désinvolture, meilleurs rapports avec les filles (asséchées de plus en plus et même plus assoiffées), rock, vêtements, cinéma, yankisme, charme rétro, sophistication, culture… Ah ! quelle engeance ignoble ! Quel goût de ghetto ! Ghetto arriviste, car les pédés veulent sortir de la marge, « à part entière » dans l’existence, il n’y a pas de raison, marginaux mais dedans quand même ! Revendicatifs mais sans même la Classe de rester en dehors, impérieux et subversifs. Non, ils se tiennent bien la main avec les handicapés : ils font tout pour qu’on les trouve moins malades ! Le plus grand vice maintenant, c’est de ne pas être pédé… C’est la maladie suprême, le cancer foudroyant écœurant ! Tout ce qui n’est pas homosexuel est à jeter. *« Raymond Devos – Les objets inanimés (Live officiel au théâtre Montparnasse 1982)Sieghetnar - Endlösung »
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