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TOUT DOIT DISPARAÎTRE (4) 3/4
Lucien Rebatet n’est plus un problème : c’est une question. On pardonne à Morand, Bernanos, Giraudoux, Jouhandeau, comme à Voltaire, Dostoïevski, Wagner et tous les autres d’avoir été farouchement antisémites. Même Drieu s’est fait pardonner, Brasillach aussi. Rebatet : zéro. Faut-il qu’il ait été fort pour conserver jusqu’au Paradis la noblesse d’un tel péché ! C’est lui le meilleur des trois. Il ne bénéficie d’aucun romantisme attaché à son nom ou à sa personne. C’est le Salaud inexpiable, la Raclure, le Traître par excellence : quel rêve ! Les plus maudits font, près de lui, figures d’académiciens. Pour savoir tout du fascisme, c’est-à-dire la vision du monde qui correspond le plus à la nature humaine, lisez Rebatet ! Le vrai fascisme vierge, comme de l’huile ! Si Brasillach fait du fascisme un hellénisme bon enfant, Drieu une rêveuse bourgeoisie, Rebatet, lui, poussant la logique de son instinct au-delà de tout horizon, met en branle une entreprise de dégraissage colossal, un gigantesque « Pressing » universel !…
Il n’y a qu’une épuration, c’est le fascisme. La Propreté, l’assainissement idéal dans un monde où tout est alliage, croisements, enculages, collisions, surcharges, déguisements… Rebatet représente à merveille ce donquichottisme suicidaire. C’est le plus grand écrivain fasciste.
Je suis un grand admirateur de Lucien Rebatet. Si le fascisme n’avait pas existé, il l’aurait inventé. Rebatet est l’allégorie du fascisme. Il est pratique qu’une telle chimie ait trouvé son accomplissement dans une seule figure. Il faut s’attaquer aux trois livres de Rebatet pour toucher ce nerf-là, ravaler son vomi et rendre les armes face à son phrasé consciencieux qui vient faire la bonniche dans les poubelles sacrées. J’ai été bien entendu l’un de ceux qui ont approuvé la réédition des Décombres ! Enfin un vrai livre. Je commençais à désespérer ! Je me souviens du bruit que ça fit. Très instructif, très bonne préface à l’ingurgitement de cette masse d’acide nitrique. Les pour, les contre, les gauchers, les droitiers… Ils ont tous fait semblant d’avoir peur. Peur que le livre suscite des vocations, comme si la France, patrie du fascisme, n’offrait pas tous les jours à ses moutons des Décombres à retaper ! Peur surtout qu’on en fasse un écrivain « maudit » ! Ça c’est formidable ! Nouveau Baudelaire ressurgissant de l’Interdiction ! À la charrette des réhabilités, à l’institut des « Un-Jour-Ou-L’Autre ! » Rien à craindre, puceaux ! Grâce à vos ignobles pères, Rebatet restera le grand écrivain « raté » qui a sacrifié la « Littérature » éthérée à la pulpeuse polémique.
Seulement, un chef-d’œuvre, c’est gênant pour un écrivain raté, alors les critiques, sachant pertinemment que malgré Les Décombres et malgré Rebatet lui-même, Les Deux Étendards était un très grand livre, ils se sont empressés de le recouvrir de décombres. Je vous le dis : la situation de Rebatet est unique. C’est le funambule des exécrations !…
Les bourgeois ont tout de suite gambergé sur la valeur littéraire du pamphlet : on s’attaque à l’écriture pour cacher la perfection de la pensée viciée. On s’interroge sur le français de Rebatet, pour mieux taire ce que Rebatet a de français. Admiration déguisée dans une époque cellulitique, mépris des journalistes qui ne savent même pas qu’ils sont là devant l’un de leurs maîtres (qui connaît les milliers d’articles magistraux que Rebatet a donné au cinéma, à la musique, à la peinture ?), sournois parallèle avec Céline (dont il est un des meilleurs témoins), ou bonne occase pour grandir encore le « Comédien de Charleroi », éclaboussement de dégoût jusqu’aux Deux Étendards et son Histoire de la Musique… Bref, la Corrida habituelle, à l’envers, toujours à côté de la plaque, la mise à mort du phénomène par les plus anodins matadors… L’ignorance des Français en matière de fascisme, leur autrucherie manifeste m’a toujours indigné !… Au lieu de collectionner les biographies du Sot de l’Apocalypse et jouir de rage fascinée au moindre document, aux plus minables retrouvailles de bourreaux nazis, ils feraient mieux de lire Rebatet. Il ne faut pas avoir peur de se dégueulasser les mains, et la mémoire. Bien peu en sont capables… Ça leur passe à côté, la propagande maniaque du « bon sens poétique » d’extrême-contre-droite et contre-gauche ! Ils préfèrent porter des casques à pointes au second degré ou se gargariser les conneries futuristes du fascisme étatique de Mussolini et de son pote Marinetti. *
Tags : rebatet, fasciste, c’est, ecrivain, peur
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