• TOUT DOIT DISPARAÎTRE (5) 3/4

     

    La Grande question c’est : pourquoi est-on gêné d’admettre que tout goy est plus ou moins antisémite ? Moi je dis que c’est pas parce que Hitler était contre les Juifs que je dois être forcément pour. Mais pas d’illusion : j’ai beau me consoler la psychose avec mon antisionisme chevronné, les efforts palestiniens sont totalement désespérés quelle que soit la légitimité de leurs motivations, parce que dans un siècle qui repose tout entier sur un tapis de cadavres brûlés et dont la sensibilité est portée à l’arraché par les statures inébranlables de Marx, Einstein et Freud, tout antidreyfusard modernisé est étouffé dans l’œuf par ses propres tics. C’est la marche de l’histoire.
     De plus, Israël a supprimé le sémitisme en lui-même. Les Israéliens remplaceront peu à peu tous les Juifs. Pour Chaplin, par exemple, fameux Jésus-Christ lui aussi, super-Kafka, envoyer les Juifs en Palestine, c’est comme envoyer tous les catholiques à Rome. Les Juifs sont contaminés par l’antisémitisme, se persécutent eux-mêmes et vont là-bas « creuser leurs tombes ». Chariot ne voit dans la Palestine qu’un « immense camp de concentration pour les Juifs ». Il l’a dit et redit. Et bien avant les atrocités des dirigeants successifs. Ce sont Les lumières de l’Immigrant ! Le Dictateur vers l’Or !
     C’est la raison pour laquelle je ne m’excite pas trop sur les attentats antisémites de ces dernières années : ce ne sont que rots bruyants. L’Histoire ne retiendra pas tout ça. Le déchaînement antiyoutre d’il y a cinquante ans n’a pas eu raison de Jahvé, ce ne sont pas quelques misérables dinosaures qui vont changer quelque chose. Il y a bien des royalistes encore, qui attendent patiemment Louis XIXe !… Les bombes ne ramènent pas une « recrudescence » de l’antisémitisme : simples bulles d’un chewing-gum malaxé depuis l’éternité, depuis Jésus et bien avant encore, et qui ne s’avalera jamais, car la logique religieuse du monde, c’est bien ça : nous vivons dans une civilisation entièrement juive. Sous la chape judéo-chrétienne absolument. Tout ce qui s’y rapporte est d’une façon ou d’une autre juif. Les croisades, l’humanisme, les rois, les révolutions, les guerres, le romantisme, l’art moderne, tout dans la dynamique de l’histoire est juif. Des premiers quolibets à la solution finale, rien n’a pu enrayer ce processus. Plus les ondes autour du Juif swinguent dans le néfaste, plus le monde est judaïque. L’archet juif touche tout ce qui est né sous le signe de Jésus.
     Depuis deux mille ans, il nous aurait été facile de nous débarrasser des Juifs, pas besoin d’attendre Hitler et ses gros sabots. C’est que nous ne le voulons pas, nous ne pouvons pas le concevoir, car se priver des Juifs, c’est ne plus être sensible à toute notre chrétienté, avouée ou non, c’est perdre l’odeur de notre civilisation, c’est ne plus être religieux : et ça, l’homme n’y renoncera jamais, irradié par cette race maudite parce que divine, détestable pour presque tous (y compris les Juifs eux-mêmes), parce que la plus désignée au salut, la seule qui soit en droit d’espérer la rédemption. *
     Il y a une malédiction à ne pas être juif. Borges l’a senti : il se veut absolument juif, et Powys aussi se cherchait des racines sémites partout dans son arbre… Il y a comme un arrivisme du judaïsme qui, bien souvent – pour ne pas dire toujours -s’exprime par la volonté de devenir riche. Ils ne savent pas les goyes qu’en voulant s’enrichir ils font tout pour devenir juifs ? Enfin ! C’est le résultat qui compte !
     Pour Céline, la domination juive est avant tout morale. C’est là que le médecin touche le doigt du Belluaire. C’est l’électricité commune. C’est là que Céline est resté antidreyfusard, et puis c’est tout. Pour lui, le Juif, c’était Satan. En fait, c’est Dieu. Le Juif est l’inférieur ? C’est le Supérieur. Il perd le monde ! La vérité est qu’il le sauve. Céline s’est trompé, mais il a eu raison. Il n’est pas question de reprocher à Céline ses pamphlets, d’abord parce qu’ils ont été dictés, soufflés par l’un des esprits les plus sains, les plus fous de grandeur, par certainement l’écrivain français le plus noble, le plus humain, le plus irréprochable éthiquement, le plus utile, celui qui a vraiment risqué quelque chose, qui n’a pas eu peur de s’offrir à l’hallali pour prévenir les hommes, c’est-à-dire les espérer moins cons et moins salauds. Ensuite, parce que ce sont des livres absolument géniaux dont les ordures qui ne les ont pas lus se servent comme paravents, comme aubaine pour conchier le plus grand artiste du siècle, celui qui fait crever tous les autres de pure, et finalement très saine, jalousie ! C’est pas donné à tout le monde d’agir par volcaniques éjections, déca-mures définitives, ratissages coléreux, colossales démolitions, foudres sans répliques et fins de mondes sans pitié. Ils sont tous là à trembler, pleins de réserves et de dégoût, bien raisonnables, inapts au délire, exempts du lyrisme. Ce sont des bienfaiteurs de l’Humanité, les types qui prennent une cause, bonne ou mauvaise, captivante ou sans intérêt, et qui en font des livres pareils. Léon Bloy se foutait complètement de Louis XVII, il a écrit sur lui l’un des plus fantastiques livres du monde. Céline savait qu’il allait se perdre en écrivant Bagatelles, il n’a jamais cru pouvoir convaincre qui que ce soit. C’est justement ça qui est si beau. Il s’y serait pris autrement s’il avait voulu. Non, il s’en fout : c’est le cri qui compte, la gerbe de vomi sur le guéridon. Qu’importe si elle fermente ! Heureusement qu’il a été un « antisémite animal » comme le dit ce con de Brasillach, ça prouve sa splendeur morale, près de toutes ces enflures de l’époque, ces antisémites théoriciens, scientifiques, sournois et puants qui ne sont rien, rien du tout que des larves qui n’ont rien compris, des larves effrayantes qui essayaient à tout prix de rallier Céline : forcément, une intelligence pareille, tout le monde se l’arrache ! Mais Céline les envoie tous chier : ce qui l’intéresse, comme Bloy, c’est d’être honni par tous, proie dégueulassée par le monde entier… C’est là où on a raison de dire qu’il a cherché à être juif lui aussi, toute sa martyrophilie le prouve, et son masochisme aussi. Bouc, c’est ça qu’il briguait, goy-émissaire : la place en or pour être bien tranquille… Céline savait très bien qu’il ne serait pas efficace, enfin, pour qui le prenez-vous ? Bagatelles est inutilisable, les antiyids ne s’y sont pas trompés. On lui aurait mieux pardonné s’il n’avait pas été aussi vague, s’il s’en était pris un peu plus au petit youpin de la rue d’Aboukir plutôt qu’au Mythe politico-friqué. Ils l’auraient tous accueilli à Berlin, et puis ils l’auraient fusillé à la Libération, ce qui est une autre façon de pardonner. Mais Céline n’a pas réussi son martyre : il n’en avait pas fait assez. Enfin, être maudit, ce n’est déjà pas si mal. Suarès n’a même pas eu cette consolation.

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