• Un idéal à rebours : la Gauloiserie

    Imposer un style à la vie des passions - ce rêve de tout le moyen âge maïen tourmenté par la loi chrétienne - c'est la secrète volonté qui devait donner naissance au mythe. Mais la confusion de la foi, "qui à Dieu seul est due et à lui seul convient", avec l'amour d'"une chose mortelle", en fut la conséquence inévitable. Et c'est bien de cette confusion - non de la doctrine orthodoxe - que devait résulter l'opposition tragique du corps et de l'âme. C'est la tendance ascétique, orientale - le monarchisme vient d'Orient - c'est la tendance hérétique des "parfaits" qui inspira la poésie courtoise. C'est bien elle, qui, peu à peu, contamina par le moyen d'une littérature idéalisante l'élite de la société médiévale. D'où la réaction "réaliste" qui ne pouvait manquer de s'ensuivre. Elle fut surtout sensible dans la bourgeoisie.
    Dès le début du XII siècle, en plein triomphe de l'amour courtois, l'on voit paraître cette tendance contraire, celle qui glorifiera la volupté avec le même excès, exactement, que l'autre apporte à glorifier la chasteté. Fabliaux contre poésie, cynisme contre idéalisme.
    Le Débat de l'âme et du corps qui date précisément de cette époque est le premier témoignage d'un conflit que le mariage chrétien était censé résoudre. On y voit l'âme récemment séparée de son corps adresser à son compagnon les reproches les plus amers : c'est lui qui aurait causé sa damnation. Mais le corps lui retourne l'accusation (il n'a pas tort.) Ainsi vont-ils, récriminant trop tard, au-devant du supplice éternel.
    Issus de ce ressentiment du corps, les fabliaux eurent un immense succès (auprès du même public, souvent, que les romans idéalistes). C'étaient des historiettes grivoises colportées et reprises, avec des variantes infinies, par toute l'Europe médiévale. Les fabliaux annoncent le roman comique, qui annonce le roman de moeurs, qui annonce le naturalisme polémique du dernier siècle.
    Pour en revenir au XIII siècle, a-t-on bien vu que la littérature sensuelle et volontiers pornographique des fabliaux souffre du même irréalisme, en fin de compte, que l'idéal des épopées courtoises?  Il me paraît que la "gauloiserie" n'est qu'un pétrarquisme à rebours.
    "On aime à opposer - écrit J.Huizinga - l'esprit gaulois aux conventions de l'amour courtois et à y voir la conception naturaliste de l'amour, en opposition avec la conception romantique. Or la gauloiserie, aussi bien que la courtoisie, est une fiction romantique. La pensé érotique, pour acquérir une valeur de culture, doit être stylisée. Elle doit représenter la réalité complexe et pénible sous une forme simplifiée et illusoire. Tout ce qui constitue la gauloiserie : la licence fantaisiste, le dédain de toutes les complications naturelles et sociales de l'amour, l'indulgence pour les mensonges et les égoïsmes de la vie sexuelles, la vision d'une jouissance infinie, tout cela ne fait que donner satisfaction au besoin humain de substituer à la réalité le rêve d'une vie plus heureuse. C'est encore une aspiration à la vie sublime, tout comme l'autre, mais cette fois du côté animal. C'est un idéal quand même : celui de la luxure."

    D. de Rougemont "L'Amour et l'occident"

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