-
Une clameur: l'Internationale!
Une clameur: l'Internationale! Une complainte d'ivrogne, une berceuse pour captifs. Pas plus de fraternité ouvrière à travers ce grand monde que de Juifs en première ligne... C'est même tout le contraire qui existe, c'est l'évidence même, d'un bout à l'autre de la planète... Ces peuples qui se cherchent pour s'étreindre, se rejoindre par-dessus les frontières maudites... empêchés qu'ils sont les malheureux de se presser coeur à coeur par les méchants capitalistes... Quelle effroyable turlutaine! Quelle dévergondée imposture!... Rien de plus absolument contraire à toute réalité!... Dans les Congrès, mais oui! sans doute! dans les palabres et les bavures, bien sûr! à la Grange-aux-Belles, ou ailleurs, certainement qu'on se fraternise! entre "délégués" bien verveux, bien cossus, pas fatigués, pas empotés, qu'on gueule à s'enrouer de pareilles sottises! Cette bonne foutaise! Qu'est-ce qu'on risque ? On trinque! on remet ça! on se [99] promet!... et comment qu'on fustige!... à hure que veux-tu! tous les profiteurs des Régimes, les iniquités, les exploiteurs, les organisants de la "Rareté" ah! ah! cette bonne craque!... les gavés de par-ci... les repus féroces de cela... Mais dans la pratique ? Messieurs, Mesdames ?... Une fois retournés chez eux, les mêmes, exactement les mêmes vendus,
comment qu'ils foncent à la police. exiger, supplier qu'on renforce les restrictions, sévérise l'immigration. tourne la vis! Alors plus de phrases, Messieurs, Mesdames, plus de soupirs! plus de salades!... plus de trémolos!... Des réalités! des directives bien égoïstes, bien vaches, bien formelles... Sus aux pouilleux!... Sus aux communistes "de fait"! A ceux qui voudraient tâter, partager entre les peuples les richesses du sol!... organiser la justice, la répartition... Tous ces chiens maigres. errants, renifleurs! au large! nom de Dieu! et puis à la trique! Voici le concret langage des fraternisants délégués des plus opulents "trade unions" une fois qu'ils ont rentrés chez eux... Les patries existent plus! Mais les beaux "standards" d'existence, ils ont jamais tant existé... Autant de pays, autant de "standards" d'existence et férocement défendus, je vous prie de le croire, par ceux qui se régalent... et fébrilement enviés par ceux qui la sautent... C'est la guerre profonde, permanente... sourde... inavouable... entre tous les prolétariats... et non moins féroce que l'autre... entre les plus bas "standards" et puis "les standards-plein-la-tête"... Les standards ont des frontières et barbelées, je vous l'affirme, encore plus que les Patries... Allez donc vous essayer, vous, prolétaire, tourneur, coiffeur,
modiste, dactylo, barbouilleur quelconque, de gagner un peu votre croûte aux Etats-Unis!... en Angleterre, en Suède, en Hollande... comme ça, au flan... tout nature!... de vous régaler un petit peu... d'un plus haut "standard d'existence" (de marner donc un peu moins tout en se faisant payer plus), vous allez voir un petit peu, comme vous allez rebondir! et séance tenante! sans discussion... éliminé à grands coups de lattes, comme un effronté purulent galeux! Ah! ça sera pas beau à voir!... Ah! Elle est bien morte, c'est trop triste, la fraternité ouvrière!... si elle a jamais existé!... Au moment qu'on sort des formules, qu'on s'amène gueule enfarinée, naïf croyant, pour déguster les fruits de la promesse, l'excellente chose fraternelle, tant vantée, hurlée, la grande participation dont on parle dans tous les congrès, à tous les échos du monde, alors comment qu'on se fait étendre!... C'est pas la peine d'insister! Cette adorable fraternité, c'est une rhétorique, elle existe pas!... On vous fait voir, dès la frontière, une de ces triques implacables, une de ces matraques "embouties fer", qui vous précipite d'autor dans la niche dont vous sortez! impertinent fou!... pas de pitié! pas de jérémiades!... dans la pratique des esclaves, chacun sa galère... Pas de rêvasseries... Le bord où on est mieux nourri il prend pas du tout les fuyards, les resquilleurs des autres chiourmes... ceux qui viennent nager le long des bonnes coques comment qu'on les rebute! à grands coups de mandrins plein la fiole! qu'ils aillent au fond ces saloperies! se faire gonfler!... Ah! C'est bien organisé la défense des bonnes frontières démocratiques! Pas de pitié! Pas d'erreur! Pas de resquille! Les envieux! les pougnasses, aux chiots! Chaque peuple pour soi!... Et au surin! à la grenade si c'est utile! A la porte de chaque pays c'est écrit, bien noir sur rose... le bel accueil qui vous attend tous les prolétaires du monde! "ICI C'EST COMPLET"... Voilà! c'est pesé!... Allez pas vous imaginer pour vous faire une explication, que
ce sont spécialement les "gros", les "deux cents familles", qui refoulent les truands d'ailleurs... Mais non! mais non! comprenez bien... ça leur ferait plutôt plaisir... les "exploiteurs" d'en recevoir des quantités! des "peigne-cul" des autres hémisphères !... Pourquoi pas ? Ils auraient qu'à y gagner... Main-d'oeuvre moins coûteuse... clients plus nombreux... Pour leur gueule tout bénéfice !... Ce sont bel et bien pour la circonstance, dans chaque pays, les prolétaires farouchement en quart, syndiqués, organisés, retranchés derrière les patrons qui défendent absolument leurs abords... leur "standard" acquis leur radio, leur frigidaire, leur auto leur habit-à-queue, l'espèce de luxe en somme (à crédit le plus souvent) par tous les moyens de la force et de la mauvaise foi... par "l'Emigration" surtout, par la police intraitable. Il faut en découdre de ces billevesées affectueuses qu'on déconne à plein tube, à longueur de parlotes. N'importe quel "Trade-Union" anglais, américain, danois, etc... est infiniment plus charogne envers les travailleurs "maigres" des autres pays, que tous les patrons possibles ensemble réunis... implacable !... L'Hypocrisie puante de tout cet immense racolage, sentimentalo-maçonnique, de cet infernal babillage à la fraternité des classes constitue bien la farce la plus dégueulasse de ce dernier siècle... Tous les faits de toutes les frontières contractées devant nous, prouvent absolument l'opposé, dans la pratique de la "croque", la seule qui entre en ligne de compte, "ouvrièrement parlant". Jamais les prolétaire "favorisés" n'ont été si fort attaches à leurs relatifs privilèges patriotiques, ceux qui détiennent dans leurs frontières des richesses du sol abondantes, n'ont aucune envie de partager. "La nature ne fait pas de frontières" Salut ! Elle a parfaitement doté certains territoires de toutes les richesses du Monde tandis qu'elle laissait aux autres pour toute fortune appréciable, des silex et du choléra. Les frontières sont venues toutes seules, tout naturellement... Les hommes ils se mettent en quart terrible tant qu'ils peuvent, ils y tiennent plus qu'à l'honneur, à ces bonnes richesses du sol... Ils les défendent à vrai dire, comme la prunelle de leurs yeux... contre toute immixtion, contre tout genre de partage avec les prolétaires des autres pays miteux, avec les enfants de la malchance, qui sont pas nés sur du pétrole... Tout le reste n'est que batifoles, pitreries, marxeries. Jamais on a vu, entendu, la riche "Trade-Union britannique" présenter à ses "Communes" quelque jolie motion d'accueil en faveur des chômeurs spécialistes belges, français,
japonais, espagnols, valaques, "frères de classe" dans le malheur.
Tags : bien, frontiere, standard, autre, proletaire
-
Commentaires