• VI - VIVRE ET Cie (2) 1/2

    On ne dira jamais assez les joies de la vieillesse : la déférence des jeunes cons, la gentillesse des jolies dames, l’attention respectueuse du monde entier au service des vestiges. C’est épatant. Être vieux, c’est n’avoir plus aucune incertitude. Le vieillard, ce n’est pas n’importe qui. Il est menacé. À quatre-vingts ans, tout est permis ! Il n’y a plus cette espèce de lassitude devant le chemin à faire, l’accomplissement des espoirs, l’effort pour confirmer sa triste jeunesse. C’est tellement pénible de vivre devant soi. Heureux d’avoir leur vie derrière, les vieillards sont libres. Leur existence est faite : elle n’est plus à faire. On ne se sent vraiment soi-même que vieux, loin de tous les excès, toutes les conneries juvéniles, loin des erreurs. Vivre n’est rien, c’est avoir vécu qui est intéressant. Tous les vieux vous le diront.
     Le grand vieillard ne peut pas être énormément ivrogne. Il lui reste la méchanceté, la rancœur, les regrets mortels, la mauvaise foi : toutes ces choses extraordinaires avec en plus l’impossibilité de bouger beaucoup, de sortir de sa chaise : il possède tant de choses qu’il ne peut pas exprimer ! C’est au fond de cet abîme qu’on peut le trouver touchant.
     C’est dans ma nature d’aimer les veuves. Dans leur regard on lit les traces de leur passé. On voit si elles ont été aimées ou pas. Une veuve porte toujours son cadavre de mari sur elle : pas seulement dans la brillance d’un bijou, l’arrogance d’une broche ou à l’intérieur d’un médaillon, mais dans l’œil, dans l’humidification quasi permanente de l’œil comme celui d’un poisson crevé.
     Elles sont interchangeables : toutes un peu pareilles habillées, couvertes, réduites à l’animal et par là de toute beauté. Toute frilosité est prétexte à divers caprices. Ne pas croire un résidu de jeunesse au fond de ces cerveaux fripés. Pas du tout. Elles sont vieilles vraiment, de partout. Aucune sève n’y circule plus. Elles sont vides : il ne peut rien leur arriver. Elles sont tristes comme des photocopies. Elles essaient de s’ouvrir à la mort, mais en fait elles restent complètement fermées, comme une porte éternellement refermée par un courant d’air.
     J’aime surtout les femmes âgées qui sont encore un peu gaies. Ces gamines en ruine, ces débris mutins me touchent beaucoup avec leurs développements extrêmement naïfs, toute leur cargaison de mimiques étonnées, aux gestes toujours un peu faux. Certaines en vieillissant perdent leur sex-appeal, d’autres le trouvent.
     Ah ! Toutes ces géances amorties ! Si on les écrase, ça en fout partout dans l’avenue ! Tous ces visages un peu renversés comme sur des coussins, gorgés de jolies sinistres petites fêlures. Cheveux drus gris coiffés en arrière, visages clairs, yeux délavés injectés de sang, uniformes noirs, chaussures à petits trous pour pieds abîmés, grosses mains tachées…
     L’accessoire préféré de la vieille, c’est le sac. Un sac de vieille ce n’est pas autre chose qu’un vieux musée. Elles trimbalent toutes des sacs énormes. Il faut les voir plonger la tête la première dans les poubelles de souvenirs, avant d’aller embrasser les petits-enfants, bien leur crachouiller sur la figure.
     Le Rimmel coule sur les faces des vieilles. Tout ocre épais comme le visage ultra-maquillé d’une femme par l’extase. Elles accusent la splendeur. Au fond d’elles-mêmes, elles se font un peu envie. Leurs corps font les morts. Elles se sont cassées le col de l’utérus. Quand elles parlent, on ne voit plus que des bouches mollasses qui remuent doucement, en tachant leur philtrum du rouge ignoble à lèvres qui partout coule. La bouche de travers, écrin d’aucune dent, dévide en se déhanchant les lèvres et se malaxant la langue d’un amas de phrases déchiquetées. Ce sont de vieux vagins boursouflés comme des soucis qui décortiquent et recortiquent minutieusement toujours les mêmes choses, en se fracturant l’âme. Elles semblent s’engloutir dans une fainéantise croupissante. Elles clignent langoureusement des paupières en poussant de petits bêlements de vieilles chèvres mongoloïdes, elles toussent aussi des morceaux de gorge en vols planés. Des fils de salive pendent au bord des trous par les commissures fébriles, comme des bulles de remous après la coque. De ces étranges bredouillements geignards, de toutes ces toussoteries rengorgées s’élèvent une grandeur misérable, une espèce d’extase du gâtisme. Certaines en riant ont l’air de pleurer. Quelques-unes ont sur la bouche une pince de dignité à la fois flattée et offusquée : on imagine très bien le mari qui en a bavé toute sa vie pour leur acheter deux clips pourris et un manteau en vrai lapin. Il est mort d’un cancer au foie foudroyant. D’autres affichent une misère respectable, une sorte de sale humilité : d’autres encore sont veuves de haute classe, celles-ci sont stylées : ce sont des mastodontiques milliardaires opaques : elles adorent la violette, que ce soit la fleur, que ce soit l’odeur : c’est le parfum de la dame en deuil : elles sont toutes en mauve, elles ont des milliards de bijoux en banque et des millions au cou seulement. Monsieur le Comte est mort en jouant au golf (cancer du golf).
     Ah ! ce qu’il peut me tarder d’être vieux ! J’ai toujours rêvé de vieillir, tout de suite, c’est mon rêve de crouler ! Quand je vois tous ces merveilleux mouroirs où l’on vous dorlote, où vous êtes totalement dépendants, à l’abri de tout, comme les bébés, comme les handicapés, les débiles mentaux ; tout ça c’est pareil : la même engeance quand c’est les autres, la suprême extase quand c’est vous !
     Moi, j’aime les retraités, les carcasses inutilisables, les séquoias malades… Ça me sauve une journée si je croise une personne âgée ! La vie swingue plus : j’entends immédiatement un disque de Charlie Christian en en regardant. C’est systématique. On les sent si lourds, comme des orages. Ça me rassure. C’est des jeunes dont il faut avoir peur, absolument. C’est des jeunes, de Villeurbanne, de Vélizy… Ils sont prêts à tout ces jeunes abrutis, forts et durs. Ces cohortes de brutes romantiques, rastaquouères, scolaires, blousons ! C’est affreux le ghetto de jeunesse ! Tous plus ou moins étudiants bornés aux petits problèmes pulvérulents, débiles comme une bande dessinée, gnasqués de diplômes comme leurs grands-pères arboraient leurs sales médailles : ils regardent bovinement le monde et le prennent pour une immense fac. Ils vont à l’école comme dans une maison de retraite. Les vieux dans les maisons de vieux, mais les jeunes dans les maisons de jeunes ! Derrière eux les horizons ! Les moins ratés sont plus tarés : ils traînent molligasses dans de vagues terrains, le rasoir aux doigts comme si c’était une coupe de Champagne. Ah ! la barbare vérité ! Ah ! les études, les vitamines, les bananes, les bonbons, les chaînes, les biscuits, les badges, les couilles au plafond ! J’ai toujours eu peur des jeunes jaguars, les voyous écervelés : la plus rouillée des lames ira toujours plus vite que le mot le plus aiguisé du monde. A trente ans, on gamberge déjà. A cinquante, on ne veut plus du tout crever du tout. C’est le vieillard qui est bien hésitant comme il faut : il veut vivre : il veut rebondir sur les gazons, courir la gueuse, il est merveilleusement drôle sur ses grosses cannes ! Ceux qui ont perdu l’usage de leurs jambes se régalent encore plus, avec tous ces pingouins à leur disposition, à leur merci presque, poussés sur leurs petites chaises en acier très belles (on dirait de l’argenterie), et les obséquiosités diverses et protubérantes des jeunes obligés ultrasympas ! *

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