• Charles Bukowski

    Charles Bukowski est né en 1920 à Andernach (Allemagne) Ses parents émigrent aux États-Unis. Après une enfance difficile, il mène une vie médiocre, exerce des métiers divers. Il forge ainsi son image de "perdant" qui se console avec des amours peu reluisantes. Pour échapper à l'univers glauque des laissés-pour-compte du rêve américains, il commence à écrire des poèmes, pris par des revues obscures. Il s'invente aussi un double, le "vieux dégueulasse", qui donne des chronique aux journaux underground.

    Son premier livre, Mémoires d'un vieux dégueulasse (1969), est publié par Lawrence Ferlighetti, poète et éditeur des beatniks à San Francisco. On va donc, malgré lui, ranger Bukowski, dit aussi "Buko" ou "Buk" parmi les disciples de Jack Kerouac. En 1971 paraît son premier roman, le Postier, inspiré par ses années noires. Il est suivi du recueil de nouvelles qui le rendra célèbre, Conte de la folie ordinaires (1976), et d'un livre de poèmes, L'amour est un chien de l'enfer (1977). Toujours dans la veine autobiographique, il donne un gros roman, plutôt érotique, Women (1978), et un récit de ses premières années, Souvenirs d'un pas grand-chose (1985). Il continue à écrire des nouvelles et des poèmes.

    La découverte de Bukowski en France date de son apparition inoubliable dans l'émission Apostrophes, le 22 septembre 1978. Invité avec d'autres "marginaux", comme Cavanna et le docteur Ferdière, Bukowski but un litre de vin blanc en direct, effaroucha la romancière Catherine Paysan, et insulta tout le monde. Bernard Pivot, stupéfait, le fit sortir du plateau. On n'avait jamais vu ça dans une émission aussi respectable. L'événement fit la une des journaux. On en parla jusqu'à New York. Le cinéaste italien Marco Ferreri s'empressa de tourner une adaptation des Contes de la folie ordinaire, avec Ben Gazzara dans le rôle de Buk.


    Bukowski, Charles - Apostrophes1 par maceopanam

    Bukowski, Charles - Apostrophes2 par maceopanam

    Bukowski, Charles - Apostrophes3 par maceopanam

    Bukowski, Charles - Apostrophes4 par maceopanam

    Le scandale n'empêcha pas plusieurs écrivains (Philippe Sollers, Alphonse Boudard) de reconnaître le génie d'un homme moins grossier qu'il n'y paraissait. Ses poèmes, notamment, sous leur fausse simplicité, cachent un art de l'image et du raccourci comparable à celui des poètes japonais, et sa tentative autobiographique a contribué à "décoincer" pas mal de jeunes auteurs, en les libérant de la terreur imposée par la "théorie".

    L'amour est un chien de l'enfer fut publié en 1978 au Sagittaire, en deux volumes. Il existe d'autres recueils de Buko : The days run away like Wild Horses over the Hills (1969) et Mocking Bird with Luck (1972) par exemple, qui seront certainement traduits un jour. Comme poète, toujours inclassable, Buk a vécu et œuvré dans son coin. Ne copinant ni avec le noyau beat (Gregory Corso, Peter Orlovsky), ni avec ceux de Black Mountain College (Charles Olson, Robert Creeley), et fuyant comme la peste les gens de San Francisco (Kenneth Rexroth, Robert Duncan). Il ne devait rien à Walt Whitman. Il est à mille bornes de John Ashberry.

    Son ésthétique roule à l'écart de celle des novateurs, comme Jackson MacLow ou Emmett Williams. Sa méthode - écrire deux ou trois poèmes chaque nuit, arrosés de vin du Rhin - n'est pas la leur. En cherchant bien, on découvrira son "art poétique", éparpillé ici ou là. Jailli des circonstances, il vient de la rue, des coups durs, de visions sorties de la bière. Il prend parfois la forme d'une imprécation vertigineuse, comme dans "Un poème c'est une ville", tiré de The Days run like Wild Horses over the Hills :

    Les titres de certains poème de L'amour est un chien de l'enfer étaient déjà tout un programme : "J'ai trop souvent vu des clodos aux yeux vitreux", "Mettez en veilleuse votre cul votre tête et votre cœur", "Un poète pour une vieille femme aux dents gâtées", "La nuit où j'ai baisé mon réveille-matin". On comprend pourquoi les actuels fanas de prose minimale (Auster, Carver) font la fine bouche devant Bukowski. Liqueur trop forte, trop de foutre et trop de caca. Et c'est pourquoi nous l'aimons encore.

    Raphaël Sorin.

    Charles Bukowski : Poèmes

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