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Des images d'elle ... (3)
Des images d'elle venaient ainsi me frapper l'une après l'autre comme des vagues, me faisant dériver vers des lieux étranges.Là, je vivais avec les morts. Là vivait Naoko, et je pouvais lui parler, je pouvais la prendre dans mes bras. Là, la mort n'était pas un élément qui mettait un point final à la vie. Là, la mort n'était qu'un élément parmi d'autres qui composaient la vie. Naoko y continuait sa vie qui comprenait la mort. Et elle me disait : Ne t'en fais pas, Watanabe, ce n'est rien d'autre que la mort. N'y fais pas attention.
Là, je ne ressentais aucune tristesse. C'était parce que la mort était la mort, et Naoko, Naoko. Tu vois, ne t'inquiète pas, je suis là, n'est-ce pas? me disait-elle avec un rire timide. Un de ses petits gestes familiers me réconfortait, calmait ma douleur. Alors, je me mis à penser que si c'était cela la mort, ce n'était pas si mal. Mais oui, tu vois, ce n'est pas si grave de mourir, me disait Naoko. L mort, c'est bêtement la mort, sans plus. Et ici, je suis vraiment bien, tu sais. Ainsi me parvenait sa voix d'entre les vagues.
Mais bientôt la marée se retirait et je restais seul sur le sable. J'étais sans énergie, incapable d'aller nulle part, et la tristesse m'enveloppait comme les ténèbres. Dans ces moments-là je pleurait tout seul. Mais je ne pleurais pas vraiment. Les larmes roulaient sur mes joues comme des gouttes de sueur. *
Quand Kizuki était mort, j'avais appris quelque chose. Et j'étais résigné. Ou du moins je le croyais. J'avais découvert que la mort n'était pas à l'opposé de la vie, mais en faisait partie.
C'est vrai. Vivre fait que nous créons en même temps la mort. Mais ce n'était qu'une partie de la vérité. La mort de Naoko m'apprenait autre chose. Quelle que soit notre vérité, la tristesse d'avoir perdu quelqu'un qu'on aime est inconsolable. La vérité, la sincérité, la force, la douceur, rien ne peut calmer la douleur, et, en allant au bout de cette souffrance, on apprend quelque chose qui ne nous est d'aucune utilité pour la prochaine vague de tristesse qui nous surprendra. Je réfléchissais à cela quotidiennement, au cours de mes nuits solitaires, en écoutant le bruit des vagues et du vent. Je m'obstinais à marcher vers l'ouest sur le rivage, en ce début d'automne, avec mon sac sur le dos et les cheveux pleins de sable, buvant l'eau de la gourde, mangent du pain sec, et vidant plusieurs bouteilles de whisky."La ballade de l'impossible" Haruki Murakami *
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Tags : mort, naoko, autre, vague, vie
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