• Deux souliers (2)

    Dans un berceau duveté, tendu de soie et de gaze blanches, vaporeuses comme les visions d’un rêve, une enfant reposait.

    Elle ressemblait aux anges qui ornent les autels, tant elle était belle et pâle. Pas un soupir, pas un mouvement ne trahissait la vie sur sa figure idéale. Son repos était une extase.

    Tout auprès, dans sa camisole de bure, une fillette rose dormait heureusement, la tête appuyée sur son bras potelé.  

    Ses cheveux en broussaille cachaient à demi son visage, et flottaient comme une poussière d’or sur l’oreiller.

    Parfois un plus long soupir accentuait sa respiration ; ses bras nus s’étiraient avec aise, ses lèvres closes, rouges comme un fruit mur, s’ouvraient en un sourire de béatitude ; ses petons dodus repoussaient la couverture, puis la bouche rieuse se reformait en une fleur vermeille, les menottes disparaissaient dans la brume blonde des cheveux, les petits pieds blancs, devenus frileux, allaient s’enfouir sous les lainages ; et l’enfant se peletonnait voluptueusement dans la tiédeur de son nid.  

    En la contemplant, le petit Noël cherchait à s’expliquer le mystère de ce bizarre rapprochement.

    Il supposait bien, lui qui connaît intimement le bon Dieu, et qui sait que sa toute-puissante Providence ne s’amuse pas à de futiles espiègleries, il soupçonnait fort, dis-je, un dessein de la miséricorde divine.

    Et cependant !… répétait-il d’un air songeur en regardant le bébé mignon, qu’il était bien près de trouver importun.

    Un grand sac dégonflé pendait au cou du céleste émissaire, et chaque fois que ses yeux tombaient sur le bon diable de vieux sabot, sa main instinctivement tâtait ce sac vide.  

    C’était, selon toute probabilité, celui qui avait contenu les présents réservés aux souliers de cette catégorie.

    → suite