• Divine Bontemps (suite)

    Après le mariage de Lydie, qui suivit, elle vécut machinalement sur les ruines de son rêve. Personne autour d’elle ne savait rien du drame qui avait bouleversé son cœur. Son teint se fana ; le flot de sang lumineux et clair que l’espérance avait amené à la surface se retira à l’intérieur ; le regard de ses yeux sembla s’éloigner ; son visage se fit plus muet encore. Des partis se présentèrent, elle les refusa tous, éprouvant une âcre satisfaction à voir sa vie s’enfoncer dans une impasse, comme si, n’étant pas un être de joie, elle trouvait enfin sa voie dans la tristesse.

    Les sorties, les banales et monotones distractions de la vie provinciale commencèrent  à lui peser. A tout elle préférait sa solitude ; et, comme il arrive aux êtres dont la vie résorbée avive l’imagination, elle voyait dans ces mots, tout au fond d’elle-même, une sorte de jardin caché, un jardin planté, sous un ciel dépoli d’automne, de verdures sombres et très odorantes ― lierre et buis ― où elle se promenait de longues heures avec sa pensée.

    Cinq ans s’étaient écoulés, quand, brusquement, en moins de dix jours, Lydie fut emportée par une pneumonie aiguë, et Maurice resta veuf avec un petit garçon de quatre ans.

    La douleur du pauvre garçon fut immense ; il aimait sa femme avec toute la force d’une jeunesse de laborieux économisée pendant la dure période des débuts.

    Dans cette catastrophe, guidé par l’égoïste et infaillible instinct, il vint se réfugier là où il sentait qu’il pourrait le mieux être consolé.

    Il ne se trompait pas. Divine, faisant taire les obscures révoltes qui s’agitaient encore en elle, assuma ce nouveau rôle ; elle étendit la  main vers cette couronne d’épines et la posa sur ses cheveux. Puis, peu à peu, graduant ses discours, remêlant la morte à la vie dans un travail d’une trame compliquée et d’une délicatesse merveilleuse, elle sut atténuer l’horreur de l’irréparable et ramener la paix quotidienne dans le cœur désolé de Maurice.

    suite...