• Divine Bontemps (suite)

    Elle resta donc, redescendit au fond de son cœur et s’y enferma, ne gardant à la surface qu’un masque d’indélébile tristesse.

    La tendance secrète de ses pensées, le ressort intérieur de sa vie la poussaient maintenant  à un don perpétuel d’elle-même ; tout lui était prétexte à s’immoler et elle le faisait de façon à s’enlever même le bénéfice de la plus minime reconnaissance. Au reste, en agissant ainsi, cette âme étrangement repliée ne se trompait point ; de degré en degré, par un déplacement, par une perversion admirable de sa personnalité, elle était arrivée à transposer sa vie dans les autres. Nulle joie directe ne l’affectait plus ; elle ne semblait plus vivre pour son compte, mais s’alimenter exclusivement du bonheur des êtres autour d’elle ; et sa sensibilité, toujours aussi vive, mais en quelque sorte désincarnée, était devenue toute spirituelle. Ame discrète et passionnée, dont une évolution constante subtilisait ainsi chaque jour les principes ! Elle était bien, d’ailleurs, toujours la même qu’autrefois, et s’il arrivait à l’abbé Pascal, son directeur, de parler de la complaisance excessive de certaines natures pour les amertumes du renoncement, elle se sentait soudain  presque rougir, atteinte dans les secrets replis de son cœur par la véridique parole du prêtre.

    Des années et des années passèrent. Maurice mourut accidentellement, et, comme à la mort de Lydie, sa première femme, il avait acheté une concession et fait élever un monument, ce fut près d’elle qu’il fut enterré.

    René acheva ses études et, presque aussitôt après, reçut l’offre d’un poste lointain dans les colonies, qui pouvait devenir le point de départ d’une brillante carrière. Comme il hésitait, à cause de Divine, qu’il aimait comme sa mère, ce fut elle qui le pressa d’accepter, brisant ainsi la dernière attache vive de son cœur.

    suite...