• L’ALLÈGRE ASSASSIN DE SIX MILLIARDS D’INDIVIDUS (7)

    7.

    Plus on écrit, moins on communique avec les autres. C’est le plus grand recul, le plus tragique mutisme que peut espérer un être humain, silence qui lui donne toute sa musique et tout son sens. La littérature ne travaille pas dans les vapes. Elle n’avance pas par « spectres » divers, elle travaille dans la mort, dans la réalité, c’est la réalité.
     Se servir des mots ! Ces bâtards de mots ! Les mots, c’est comme le blues, ça fait partie du domaine public : il faut trouver une mélodie qui parcoure la trame, qui explore le carcan. Les mots sont lourds de sens parce que tout le monde s’en sert. Ils ressemblent à ces gros buffles d’Afrique qui se roulent dans la boue : leur saleté a quelque chose de sacré, de noble.
     L’écriture est moins tyrannique que le langage parlé, on n’est pas obligé d’insister sur un seul sens. Dans le parlé, la vitesse de compréhension gêne la majesté du sens et du son, alors que sur le papier on peut prononcer les mots d’une façon idéale, on peut faire manger le sens à plusieurs râteliers. La langue parlée, c’est pour les gens brillants, les conférenciers, les virtuoses, les concertistes. La littérature fait rouler le dé d’une tout autre manière pour mettre en valeur tous les sens possibles et impossibles et jouer sur leur combiné, une section de sens orchestrée. C’est le même dé qui sert à plusieurs jeux. C’est un tapis très spécial que la page où viennent se rouler les mots, cabrioler dans la pelouse.
     Ce ne sont pas les gros mots qu’il faut chercher, ni l’argot. Ce sont les mots salis, comme Miles Davis salit, salive ses notes dans ses chorus. Et aussi les grands mots creux, parce qu’ils résonnent mieux. Ou alors les mots forts. Par exemple, Charme et Enculé ont la même force. Bien qu’ils ne signifient pas la même chose, ils vont dans le même sens.
     Les mots ne sont pas de simples mots. Ils tombent sous le sens. Ce sont des espèces de mariées qui traînent derrière elles des kilos d’échafaudages de gazes subtiles et lourdes. Je n’aime pas les mots à la légère, j’aime les mots lourds, lourds de sens, croulant sous l’usure du sens.
     Il existe des mots qui ne veulent rien dire mais qui sont bien pratiques. Chef-d’œuvre, génie, beauté… J’aime employer le mot beau, parce qu’il est très puissant dans la subjectivité du lecteur. Ceci est beau ! Ça fait une bombe dans l’esprit qui lit. Il voit tout de suite ce que je veux dire sans que je sache à quoi je lui ai fait penser. Ce qu’il trouve beau est ce qui compte le plus à ses yeux. C’est pas la peine de lutter contre ça. Ce ne sont que des mots, comme on dit, et il faut utiliser leur efficacité ancestrale, au moins auront-ils conservé quelque intérêt.
    Pareil pour le roman. La vie est un roman. C’est vrai ! Plus romancée, plus romanesque, plus romantique que tous les romans. Sans aucun doute. C’est la timbale aux poncifs chiants ! Moi, j’écris ma littérature comme un roman. C’est le roman de la Littérature en train de détruire un individu.

    "Au régal des vermines" Marc-Edouard Nabe

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