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La liberté de l'homme
Il n’est pas un être qui ne soit le jouet des circonstances, et l’homme comme les autres êtres. Il est dépendant de sa nature et de la nature des objets qui l’environnent ou, pour mieux dire, des êtres qui l’environnent, car tous ces objets ont des voix qui lui parlent et modifient constamment son éducation. Toute la liberté de l’homme consiste à satisfaire à sa nature, à céder à ses attractions. Tout ce qu’il est en droit d’exiger de ses semblables c’est que ses semblables n’attentent pas à sa liberté, c’est-à-dire à l’entier développement de sa nature. Tout ce que ceux-ci sont en droit d’exiger de lui, c’est qu’il n’attente pas à la leur. Dès ses premiers pas, l’homme ayant grandi prodigieusement en force et grandi aussi un peu en intelligence, bien que la proportion ne fût pas la même, et comparant ce qu’il était devenu avec ce qu’il avait été au berceau, l’homme eut alors un éblouissement, le vertige. L’orgueil est inné en lui. Ce sentiment l’a perdu ; il le sauvera aussi. Le bourrelet de la création pesait à la tête de l’enfant humain. Il voulut s’en défaire. Et comme il avait déjà la connaissance de bien des choses, encore qu’il lui restât bien des choses à expérimenter ; comme il ne pouvait expliquer certains faits, et qu’il voulait quand même les expliquer, il ne trouva rien de mieux que de les expulser de l’ordre naturel et de les reléguer dans les sphères surnaturelles. Dans sa vaniteuse ignorance, l’enfant terrible a voulu jouer avec l’inconnu, il a fait un faux pas, et il est tombé la tête la première sur l’angle de l’absurdité. Mutinerie de bambin, blessure du jeune âge dont il portera longtemps la cicatrice !…
Joseph Déjacque *
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