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La résurrection des morts
Rêverie
C’est par les trompettes des archanges que la résurrection de tous les morts fut annoncée au monde. Au matin s’avancerait dans toute sa gloire le Seigneur de toutes les forces, et les morts se lèveraient de leurs tombeaux.
À partir de cet instant, la terre commença à changer de visage. Les temps nouveaux n’étaient pas encore là, mais les temps anciens avaient déjà pris fin, ils s’étaient dissipés comme de la fumée, ils avaient disparu comme un cauchemar qui aurait duré des millénaires. C’était comme si cela n’avait jamais existé : tous les soucis de la vie s’en étaient allés, les souffrances et le chagrin, les maladies et la mort ; et tout ce qui vivait n’avait plus d’autre souci que d’accueillir la venue du Seigneur dans la joie et la beauté.
À toute vitesse et sans effort, la terre se débarrassait de ses haillons, de ses vêtements gris et tristes. Elle était encore régie par ces forces ténébreuses et mystérieuses, inflexibles et implacables, que l’on appelait autrefois les lois de la nature, tout ce qui existe était encore soumis à leur pouvoir exigeant et terrible, mais leur action pesante se faisait de plus en plus lente, leurs manifestations de moins en moins assurées. Comme une machine qui ralentit en approchant de son ultime arrêt, comme les eaux d’une rivière qui ralentissent leur cours avant de se jeter dans la mer, comme les souverains qui prennent des mesures nonchalantes, indécises, tendres et faibles, avant de quitter leur trône. Ils donnent encore des ordres, mais n’attendent plus qu’on les exécute et sont indifférents aux conséquences. La mer sombre grondait encore, le vent poursuivait encore sa course, mais il n’y avait plus de fureur dans les grondements éternels de la mer, et les navires ne faisaient plus naufrage : la mer s’était calmée, elle clapotait doucement et déferlait calmement. Il y avait encore des incendies ici et là, mais le feu aussi avait perdu sa fureur et sa force ; les flammes brillaient encore de leur éclat sanglant, mais elles ne brûlaient plus, elles ne consumaient plus, elles ne causaient presque plus de douleur, elles flottaient à la surface des choses comme des caresses.
L’espace existait encore, cet infini que l’on peut morceler, et l’épouvante de l’éternel retour, et ceux qui voulaient continuer à le morceler le morcelaient encore, ceux qui voulaient avancer à pied ou en voiture, ou courir, ceux-là le pouvaient ; mais déjà l’espace n’existait plus, et l’homme se retrouvait là où il désirait être : ici, là-bas, partout. Les hommes ne savaient pas encore comment cela se produisait, mais ils le faisaient déjà : tous les navires se retrouvèrent soudain au port, à leur mouillage, dans leurs criques et dans leurs anses, ils étaient revenus en un clin d’œil des pays les plus lointains ; et dans le crépuscule du soir s’étiraient en guirlandes sur la mer apaisée les hublots étincelants des immenses paquebots, ces géants de la terre. Certains roulaient encore sur des rails, certains volaient encore dans les airs, mais de nombreux trains avec d’innombrables passagers se retrouvaient en un clin d’œil à l’endroit souhaité.
Le temps existait encore, de même que l’infini que l’on peut morceler et l’épouvante de l’éternel retour : les aiguilles tournaient, les horloges sonnaient sur les clochers, le soir tombait, mais déjà, le temps n’existait plus : l’éternité avait commencé, cette éternité qui ne se mesure pas, qui n’avance pas et ne s’écoule pas, mais qui demeure éternellement – un en tout et tout en un.
Il n’y avait déjà plus ni haut ni bas, ni hier ni aujourd’hui, ni ici ni là-bas — un en tout et tout en un, l’image de la vérité et de l’éternité. Sans bruit, à toute vitesse, la Terre changeait de visage sous le règne du nouveau souverain, le Seigneur de toutes les forces, la hache qui tranche.
Et les ténèbres se firent sur la nouvelle terre, mais ce n’était pas la terrible nuit d’autrefois qui, telle l’ombre de la mort, se couchait sur un côté de la terre et y rampait comme un serpent ; les douces rondeurs de la terre, avec ses océans bleus et ses continents dorés, étaient enveloppées de tous côtés d’une pénombre calme et transparente, d’une obscurité bleuâtre et claire, d’une lumière diffuse. Ces ténèbres n’étaient pas là pour faire peur, elles n’étaient pas là pour cacher les méfaits nocturnes, la débauche et les rêves fallacieux et cauchemardesques, comme autrefois, mais elles voulaient offrir à la terre et aux hommes un voile protecteur caressant et chaste, afin que le monde se prépare dans le silence et en secret, qu’il se pare de beauté en hâte et dans la joie, revêtant tranquillement des habits de noce, une tenue de fête, des vêtements de lumière. Qui pourrait priver de sa joie la fiancée qui se pare chastement pour la venue de son fiancé ? Tous sont invités au festin, et le maître de maison plein d’affection attend ses invités souriants vêtus de leurs plus beaux atours.
La terre s’empressait de se débarrasser de son costume de bouffon mort, de son masque putréfié. Les temps nouveaux n’étaient pas encore là, mais les temps anciens avaient déjà pris fin, d’un seul coup et pour toujours, ils s’étaient dissipés comme un brouillard, avaient disparu comme un cauchemar qui aurait duré des millénaires : ils s’en étaient allés sans bruit et pour toujours. Et l’on n’y songeait même pas, tant ce départ était silencieux et imperceptible, tant le ténébreux mensonge qui avait duré des millénaires était devenu clair et évident ; on ne s’en souvenait même plus, et il n’y avait pas un homme sur terre qui regardât en arrière dans les noires ténèbres du passé, que ce fût avec joie ou colère, avec des regrets ou des malédictions. L’homme voyait tout et comprenait tout, il pardonnait tout, il aimait tout, il avait trouvé tout ce qu’il cherchait : il voyait tout et comprenait tout. Et il n’y eut plus rien de triste, de malade ou d’affligeant, plus rien de merveilleux, d’étrange ou d’étonnant ; il n’y eut plus ni bien ni mal. Le souvenir même du passé disparut, et toutes les activités cessèrent.
Tous les trains s’arrêtaient, tous les navires, toutes les machines qui voguent, roulent et volent. Elles s’étaient arrêtées. Toutes les fabriques s’arrêtaient, toutes les usines, toutes les machines qui fabriquent et qui créent, des billions de forces métalliques, tout s’était arrêté. Et tout se tut : les grondements terribles, les grincements et les tintements, les martèlements et les cliquetis, les hurlements et les sifflements, les chuintements et les mugissements, ces voix terribles et tristes d’innombrables forces métalliques tournoyant dans le tourbillon d’un mouvement qui ne cesse jamais.
Tout ce qui était fermé s’ouvrit, toutes les portes et tous les portails ; dans les prisons et les palais, dans les maisons et les églises, dans les cages en fer des animaux et dans les chenils, toutes les portes s’ouvrirent et restèrent grandes ouvertes. Il y avait encore des immeubles qui se dressaient, des monceaux de cages en pierre posées les unes sur les autres, il y avait encore des rues qui passaient entre les maisons, il y avait encore des villes, mais il n’y avait plus ni maisons, ni rues, ni villes : les murs autrefois si pesants étaient suspendus en l’air comme des fantômes diaphanes tissés de brume ; ils commençaient déjà à s’évaporer ici et là, à disparaître sans bruit. Il y avait encore des hommes et des bêtes, il y avait encore des rois et des mendiants, des esclaves et des maîtres, des hommes et des femmes, des vieillards et des enfants, des malades et des hommes en bonne santé, mais il n’y avait plus ni rois ni mendiants, ni hommes ni femmes, ni enfants ni vieillards. Déjà, les bêtes sortaient des bois, elles étaient sorties, elles avaient quitté leurs tanières, leurs nids et leurs terriers ; elles étaient entrées dans les villes en marchant, en rampant et en volant, les bêtes tendres et magnifiques, ces amies jusque-là inconnues. Et les rues devinrent belles, enrobées d’une pénombre bleuâtre et transparente, lorsque parmi les vêtements de fête des hommes surgirent les taches superbes des tigres, et que se mêlèrent aux ténèbres de la foule les doux reflets des écailles et des peaux de serpents ; en haut et en bas, devant et derrière, scintillaient d’un éclat chaud les flammes vertes des superbes yeux des bêtes. D’un seul coup, de nombreux murs en pierre devinrent transparents, ils s’évaporaient à toute vitesse et sans bruit quand s’allumait près d’eux le feu d’un œil de bête ; les villes disparaissaient comme des spectres maléfiques : pas une seule ville ne devait assister au grand matin du dernier jour.
Toutes les bêtes étaient là, seul l’ours était en retard : plongé dans un profond sommeil, il avait mis longtemps à se réveiller, bien qu’il eût entendu l’appel des archanges à travers son sommeil ; mais lorsqu’il se réveilla, il comprit tout de suite et s’empressa de se mettre en marche en se dandinant sur ses pattes plates, il n’avait pas encore deviné qu’il pouvait se déplacer juste comme ça, sans marcher ni bouger, juste comme ça.
Et les morts reposaient encore dans leurs tombeaux.
Tous avaient très envie de flâner, mais le temps pressait : il fallait se faire beau, être prêt pour le matin. Jamais on ne s’était autant dépêché sur la terre, même le grand jour de la création : en une courte nuit, tout ce qui vivait et existait devait se parer de toute sa beauté. La nuit était tiède et claire, mais brève : avec un doux bruissement, comme des étendards dans la nuit, les feuilles se déployèrent sur les arbres, les herbes sortirent de la terre tiède, de gigantesques arbres, des forêts entières surgirent en un instant et s’alignèrent pour une parade triomphale, discutant à voix basse sur la disposition la plus belle. Les fleurs, cette armée innombrable des enfants de Dieu, s’empressaient de s’ouvrir, blanches et rouges, bleues et mauves, et chaque fleur réfléchissait longuement sur ses atours, vérifiant ses pétales et son pistil, et elles étaient une multitude, cette armée innombrable des enfants de Dieu ! Les pierres aussi se donnaient du mal : le dur basalte, le granit froid, le porphyre cruel, toutes, elles se dépêchaient de polir leurs cristaux, ce merveilleux tissu des pierres ; même l’insignifiant petit caillou piétiné depuis des années sur la place publique se donnait du mal, lui aussi : il se livrait en haletant à un travail à l’intérieur de lui-même. Les eaux de la mer aussi se dépêchaient de se préparer, ainsi que celles des rivières, des lacs et de marais : elles embellissaient leurs flots, s’irisaient de chatoiements, cherchant ce qu’il y avait de plus beau, et nettoyaient leur pur miroir, se préparant à refléter des prodiges. Même la petite flaque qui, hier encore, se mourait de soif et se préparait à la mort, était prise d’une soudaine agitation : tout essoufflée, elle se livrait à un travail à l’intérieur d’elle-même.
Les bêtes aussi se faisaient belles : elles renouvelaient leur pelage aux taches dorées, secouaient leurs queues en panache, essayaient l’éclat de leurs yeux les unes sur les autres, elles se dépêchaient. Les oiseaux et les serpents aussi se faisaient beaux ; les mystérieux monstres marins et souterrains polissaient amoureusement leurs carapaces et leurs pinces, ils rafraîchissaient les excroissances et les verrues de leurs ventres flasques, ils réfléchissaient longuement à leur parure de fête. Et les paupières de leurs yeux jusqu’à présent voués aux ténèbres et au secret s’ouvrirent grand sur le monde, scintillant d’un éclat humide dans la pénombre bleuâtre et translucide qui enveloppait l’océan bleu nuit. Les insectes aussi se faisaient beaux. Chacun d’eux s’inventait avec un soin méticuleux une parure follement compliquée : les papillons bariolés, cette armée innombrable des enfants de Dieu, s’empressaient de saupoudrer de pollen leurs ailes flambant neuves, ils s’essayaient à voler, se disposaient de la façon la plus belle possible sur les prairies déjà verdoyantes, parmi les fleurs déjà ouvertes, leurs sœurs devant Dieu. Les myriades de bestioles invisibles pour l’œil humain, mais visibles pour l’œil de Dieu, s’empressaient elles aussi de se faire belles : elles se livraient à l’intérieur d’elles-mêmes à un travail qui leur donnait à elles aussi un air de fête, les rendait dignes d’attention et d’éloges.
Déjà le silence s’installait, mais il n’était pas encore tout à fait là : des confins de la terre et des hauteurs qui la dominaient arrivait un roulement, un grondement étouffé. C’était le tonnerre du ciel qui se préparait aux ovations, comme un géant qui chauffe sa voix, c’étaient les montagnes qui s’écartaient, se mettant en rangs pour la fête à venir ; c’étaient les glaces des pôles qui édifiaient des arcades et des ponts de cristal, vérifiant leurs arêtes émoussées.
Les hommes aussi se paraient de beauté en toute hâte. Tous ne savaient pas encore ce qu’était la beauté, mais ce n’était pas la peine de le savoir : devenait beauté tout ce qui désirait être beauté et liesse pour rendre hommage. Les Polynésiens se paraient joyeusement en se mettant des bouts de bois tout neufs dans les oreilles et dans le nez, se tatouant sans douleur ; les Arabes étrillaient leurs chevaux noirs et, vêtus de leurs burnous les plus blancs, caracolaient dans le désert pour échauffer leurs montures ; les Anglais se rasaient soigneusement, passant deux fois le rasoir au même endroit ; les femmes se paraient d’atours multicolores, les généraux mettaient leurs décorations et leurs étoiles. Tout ce que l’on trouvait beau, tout ce qui avait un air de fête, on s’en parait ; et il n’y avait pas de différence entre une vieille couronne royale constellée de perles et une chemise de bure déchirée ou des tatouages colorés sur une peau de bronze. Le petit roi nègre qui portait une couronne en boîte de conserve se la mettait sur la tête ; ceux qui étaient des militaires revêtaient leur uniforme de cérémonie, ils se paraient de dorures, de boutons étincelants et d’éperons ; ceux qui portaient des habits noirs revêtaient leurs habits noirs ; beaucoup de dames mirent des robes de bal décolletées et se firent une mise en plis ; la triste pécheresse qui se fardait le visage et ne possédait qu’un seul chapeau démesurément grand farda son visage gris et coiffa son chapeau démesurément grand. Même les policiers revêtirent leurs uniformes, car c’était ce qu’ils connaissaient de plus beau ; chacun réfléchissait longuement à son costume, cherchant ce qu’il avait de mieux. Et quels que fussent les vêtements que les gens mettaient, tout était bien, tout était beau et approprié : tout ce qui désirait être beauté et liesse pour rendre hommage devenait beau.
Il y avait sur terre une vieille femme pauvre et solitaire qui ne trouva pas un seul habit de fête pour ce jour : elle avait déjà envie de pleurer, comme si elle n’avait pas entendu l’appel des archanges. Elle avait envie de pleurer, cette petite vieille, sourde, stupide et inutile, qui ne possédait pas la moindre parure de fête, pas même un fichu blanc ! Et soudain, elle s’illumina d’une lumière intérieure : ses rides devinrent magnifiques, ses cheveux blancs devinrent magnifiques ; et elle entra dans le cercle des appelés comme la plus belle entre les plus belles.
Personne ne dormit sur la terre durant cette dernière nuit bleue ; elle bruissait comme une fourmilière, et chaque petite fourmilière, ces royaumes des bois, bruissait, se vêtant de beauté et se préparant à rendre hommage. Car le lendemain, chacun, quel qu’il soit, le Seigneur l’appellerait par son nom. Car le lendemain, chacun quel qu’il soit, quelle que soit sa taille, quel que soit son nombre sur cette terre, chaque grain de sable, chaque protozoaire, chaque bestiole, même la plus minuscule et la plus modeste, le Seigneur l’appellerait personnellement par son nom. Chacun connaissait la joie et la suprême dignité qui l’attendaient et chacun se dépêchait, de tout son cœur, sans songer qu’il n’était pas bien parce qu’il était petit et que personne ne le remarquait. Le Seigneur de toutes les forces verrait et remarquerait chacun d’eux, Il gratifierait chacun de son estime, lui, la hache qui tranche, la grâce sans mesure, l’amour infini. Et, imperceptiblement, la chaste brume bleuâtre se dissipait et se transformait en clarté rose de l’aube.
Les cieux s’illuminèrent de lumière de tous les côtés à la fois : le temps et l’espace existaient encore, mais il n’y avait plus ni temps ni espace, ni occident ni orient, et le soleil se levait de partout, un seul soleil en une multitude de soleils ; la terre ronde tout entière était devenue une plaine fleurie, une assemblée réunissant tous les êtres. Au fur et à mesure que le ciel s’éclairait, toute la délicieuse agitation des préparatifs s’apaisa sur terre, tous étaient prêts, il n’y avait pas de retardataires ni de laissés pour compte, tous étaient prêts. En même temps que la lumière, le silence se fit sur la terre, et il y avait autant de silence que de lumière ; la lumière devint infinie, et le silence devint infini.
Mais les morts reposaient encore dans leurs cercueils vermoulus.
Et voilà que les soleils se levèrent dans les cieux, et ce fut le matin joyeux de toutes les promesses. Il se fit un silence infini, un silence suprême et prodigieux, quand toute chose se tait ; la terre, le ciel et toutes les voix se taisaient, la mer était plate comme un miroir, le vent était tombé, il n’y avait pas un froissement, pas un clapotis, pas un seul bruit, pas même un rire d’enfant. Tous attendaient en silence, admirant la beauté de la terre.
Mais les morts reposaient encore dans leurs cercueils vermoulus !
Et tous attendaient en silence, admirant la beauté de la terre. Les villes se dissipèrent en même temps que le brouillard, et la terre entière, avec toutes ses étendues couvertes de fleurs, se transforma en un seul et unique jardin délicieux ; les arbres puissants aux ramures luxuriantes et arrondies se déployèrent en bosquets d’une beauté sublime qui ne gênaient ni n’écrasaient personne ; une herbe verdoyante et touffue se mit à pousser, et les fleurs bigarrées répandirent délicatement leurs discrets effluves, les papillons faisaient palpiter leurs ailes sans bruit, cette armée innombrable des enfants de Dieu. Tous attendaient. Même l’air attendait de chacune de ses particules, lui aussi s’était préparé pendant la nuit, il s’était paré de sa beauté aérienne. Même les cieux attendaient, eux aussi s’étaient préparés pendant la nuit, ils avaient rafraîchi leur bleu et approfondi leurs profondeurs. Et les bêtes magnifiques étiraient librement leurs corps souples sans gêner ni écraser personne, comme des fleurs bigarrées, et les hommes magnifiques se mêlaient aux fleurs et aux oiseaux dans le jardin du Seigneur. La terre magnifique admirait sa propre beauté.
Mais les morts ne s’étaient pas encore réveillés, mais les morts reposaient toujours dans leurs cercueils vermoulus !
La terre magnifique admirait sa propre beauté, et tous attendaient. Une calme lumière resplendissait calmement, le matin joyeux de toutes les promesses se levait. Et tous attendaient. Un énorme nuage blanc, piédestal du trône céleste, étendard d’argent, se déployait, immobile, au milieu de l’azur du ciel. Et tous savaient que ce n’était pas un simple nuage, un amas de vapeurs humides et froides, mais quelque chose de spécial, destiné à décorer. Il était énorme et tout scintillant de lumière ; le tracé de ses bords arrondis et luisants était magnifique, tout son aspect était d’une splendeur ineffable. La beauté du ciel bleu qui le contenait se déchaînait autour de lui, mais il restait immobile, bannière d’argent, piédestal du trône céleste. Telle était la parure que le Seigneur avait envoyée lui-même pour la joie et le plaisir des yeux de ceux qui attendaient.
Tous attendaient. La calme lumière resplendissait calmement, le matin joyeux de toutes les promesses s’était levé. Cela approchait, c’était là. Le tonnerre aux aguets remua doucement sa bouche béante gorgée de grondements, et songea à part lui : Hosanna !
Les cieux s’ouvrirent et……….
Ici prit fin l’histoire humaine, et les morts ressuscitèrent.
Léonid Andreïev
Tags : terre, beaute, d’un, mort, n’y
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