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LE MAL (3)
Le mystère irrationnel de la liberté qui n’est ni créée, ni déterminée par Dieu ne signifie nullement qu’il existe un autre être à côté de celui de Dieu, n’implique aucunement un dualisme ontologique. Le dualisme ontologique serait déjà une rationalisation. En posant une liberté qui, sans agir à la façon d’une cause, produit le mal en même temps que toute nouveauté cosmique, on ne bâtit pas une quelconque doctrine théologique ou métaphysique, on se tient à la description intuitive d’un mystère révélé dans l’existence. La liberté signifie ici la limite de toute pensée rationnelle, elle est irrationnelle, sans fond, sans base et ne peut être ni expliquée, ni objectivée. Elle est la réfutation des doctrines théologiques rationalisées sur l’origine du mal. Mais dans le mystère de la liberté nous rencontrons le mystère du mal et le mystère de l’acte créateur. Nous sommes alors en présence de la tragédie divine, d’une rencontre, d’une lutte et d’un dialogue, d’une réponse de l’homme à Dieu. Le Ungrund du grand visionnaire et devin J. Boehme est précisément la liberté. On ne peut conceptualiser le Ungrund, il est en deçà des limites de la rationalisation, il s’agit d’un mythe, d’un symbole, et non d’un concept. On ne peut penser conceptuellement le mal, on ne le pense que mythiquement, symboliquement. Dieu, la création du monde et de l’homme, le mal, l’objectivation du monde et de l’homme, les innombrables souffrances du monde et de l’homme – tout cela ne peut être décrit et exprimé que sous forme de tragédie symbolique. Tout système de concepts aboutit au monisme qui en considérant toutes choses comme descendant du haut vers le bas nous voile le mystère irrationnel du mal et le mystère irrationnel de la création.
Nicolas BERDIAEV, Esprit et Réalité, 1937 *
Tags : d’un, mal, mystere, liberte, irrationnel
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Commentaires
là j'avoue avoir un peu de mal à saisir, le texte, et en plus je lis certes un peu vite car désolée mais je vais déménager en juillet et d'ores et déjà ça court pas mal, bises à toi