• LE VENTRE DE MA MÈRE


    C’est mon premier domicile
    Il était tout arrondi
    Bien souvent je m’imagine
    Ce que je pouvais bien être...

    Les pieds sur ton cœur maman
    Les genoux tout contre ton foie
    Les mains crispées au canal
    Qui aboutissait à ton ventre

    Le dos tordu en spirale
    Les oreilles pleines les yeux vides
    Tout recroquevillé tendu
    La tête presque hors de ton corps

    Mon crâne à ton orifice
    Je jouis de ta santé
    De la chaleur de ton sang
    Des étreintes de papa
    Bien souvent un feu hybride
    Electrisait mes ténèbres
    Un choc au crâne me détendait
    Et je ruais sur ton cœur

    Le grand muscle de ton vagin
    Se resserrait alors durement
    Je me laissais douloureusement faire
    Et tu m’inondais de ton sang

    Mon front est encore bosselé
    De ces bourrades de mon père
    Pourquoi faut-il se laisser faire
    Ainsi à moitié étranglé ?

    Si j’avais pu ouvrir la bouche
    Je t’aurais mordu
    Si j’avais pu déjà parler
    J’aurais dit :

    Merde, je ne veux pas vivre.

    Blaise Cendrars, "Le Ventre de ma Mère", dans Ça ira, n° 18, mai 1922.

    « Your Schizophrenia - Never to wake upTHEODOR BASTARD - Vetvi »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :