-
Le visage
Par Cruella dans La tendresse, c'est seulement de la cruauté qui se repose le 11 Décembre 2017 à 10:17J’ai l’intention d’écrire “sur mon visage” quelque chose de central et de très beau. Ce sera plus simple et plus doux qu’une main de femme, la nuit, qui suit avec grand’pitié la ligne douloureuse de la figure humaine. Et cependant, ceux qui le liront s’étonneront d’une odeur de pourriture et de scandale. Pour décrire les différents visages de mon âme, il faudra que Celle qui parle de mon visage ose imaginer les masques de mon agonie à venir, il lui faudra penser à ce hoquet sanglant qui marque enfin la délivrance et le départ de l’âme : alors seulement seront évoqués les étranges paradis perdus dont je suis l’habitant. C’est ainsi que mon art s’efforce en ce moment vers le passage essentiel. Je choisis entre les instants ceux qui sont marqués de la grâce. Je cherche la clef de ces évasions vers les pays désirés – et c’est peut-être la mort, après tout. Aussi je continue à imaginer mon livre comme la plus merveilleuse petite histoire qui ait jamais excité les enfants sages et secrets : mais on y sentira par instants un effroi comme de la mort ; un calme et un silence épouvantables, comme l’homme abandonné soudain de son corps au bord du Monde mystérieux.
Le vendredi 18 juin 1909, dans une lettre à Jacques Rivière - Alain-Fournier
Tags : visage, mort, vers, masques, faudra
-
Commentaires