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Livre I - I Tapage (2/3)
Lorsque j’intervins, ce fut pour contester l’existence même des humoristes et des intellectuels. Les deux corporations d’un coup ! Je m’opposais à la dérision de l’actualité. Je recadrais tous ces effilochés.
Miller essayait de parler mais je le coupais, je le cassais, le prenais de haut tout de suite. Il se croyait venimeux mais ce n’était qu’une couleuvre lassée de se faire avaler par les téléspectateurs. « Monsieur Nabe » : Miller parlait de moi à la troisième personne, visiblement il avait envie de me foutre à la Seine. Plantu ne disait pas un mot, il faisait des crobards, ineptes.
Miller dénonça alors mes « textes monstrueux »… Ça y était, le mot était lâché : « antisémite ». Je me foutais de la gueule de Miller avec ses clivages… Bertrand me donna raison. C’est là que je lançai au psy moisi : « C’est beaucoup plus subtil que ça, la vie, Miller ! »
Mais non ! Pour lui, il fallait être clair, pour qu’on puisse bien identifier les « démocrates » et les « salauds » ! Il fallait que chacun soit sélectionné dans un camp ou dans l’autre par le kapo Miller ! Le bon ou le mauvais… Et le bon, c’était celui du « bon sens » :
— Et le bon sens c’est quoi ? ânonnait le professeur Miller. C’est la démocratie, la tolérance et la liberté d’expression…
Exactement ce que Dieudonné observerait comme règles de vie dans toute sa carrière, y compris dans sa période antisémito-révisionniste. « Démocratie, tolérance et liberté d’expression »… Comme quoi, cette troïka de conneries pourrait servir à toutes les idéologies !
Kahn, le chauve postillonnant (il avait moins de tics, il projetait moins de bave en 99) s’insurgea : sur le Kosovo, les intellectuels avaient eu trop vite fait de traiter de « nazis » ceux qui n’étaient pas d’accord avec eux.
Miller, ça l’agaçait ces nuances. Il continua de vanter les mérites de la « ligne rouge » :
— Avec monsieur Nabe, quand il y a certains propos qu’il a pu écrire sur les Juifs, c’est pas des différences d’opinions !
Je le narguai : « Ne me cherchez pas, Miller, ne me cherchez pas… »
Bertrand demanda ensuite à Dieudonné si en attaquant le Front national il ne se trompait pas de cible… Non, Dieudo était d’accord avec « Gérard ». Oui ! Je répète : en 1999, Dieudonné était d’accord à 100 % avec Gérard Miller… Il estimait que le FN, c’était fini, et que, de toute façon, il était contre parce que le FN était contre le métissage et que lui était pour…
Ça, ils ne connaissent pas, les fans de Dieudonné d’aujourd’hui ! Du Dieudo inédit ! Ils seraient stupéfaits de l’entendre proférer, fût-ce avec « l’excuse » d’avoir été un imbécile à ses débuts, des bien-pensanteries pareilles !
Hélas, vous ne pouvez pas voir tous ces passages de ce Tapage. Pour avoir accès à l’émission complète, il faut être abonné à Ina Médiapro. C’est mon cas… Je peux à volonté voir ou revoir toutes les émissions du monde diffusées depuis les années quarante ! Et celle-ci, je l’ai revue, et bien analysée avec le recul…
Delépine dit alors que c’était aux USA que le métissage passait le plus mal ; mais pour Dieudonné, il n’y avait pas pire que la France puisqu’elle abritait le Front national…
— Le FN ce sont des gens qui se replient sur ces vieilles valeurs refuges, ils sont pour une autodestruction générale et moi je m’oppose à ça, ajouta Dieudonné M’Bala M’Bala…
L’autodestruction, ça allait le connaître… Bertrand ne lâcha rien sur la connerie anti-lepéniste. « Il y a d’autres démons, et d’autres urgences… » Et l’animateur lut un extrait de mon Le Pen vous fait jouir paru deux ans plus tôt (en 97) dans le mensuel L’Éternité. Il accrocha sur un passage « soft ». Après avoir fait semblant d’écouter mon texte, Dieudonné réagit alors comme le dernier des rappeleurs à l’ordre. Pire que Miller pour le coup !
— C’est fait pour provoquer, mais vaste connerie quand on est dans la rue et qu’on voit tomber son frère sous les balles d’un colleur d’affiches du Front national !
Textuel ! Dieudonné était contre la « provocation » ! J’empruntai alors à Bertrand mon livre (Non) et commençai à scander toute la fin que Bertrand n’osait pas lire à l’antenne. « Vous, ordures psychanalytiques… » Je faisais sonner mon texte comme le saxophone d’un hurleur désespéré par sa si conne époque… Roland Kirk de Roncevaux ! Quel chorus ! Quand je réécoute ça, j’entends « porcs de l’humanisme » et « stériles mauviettes », deux termes qui colleront si bien aux protagonistes de ce livre-ci…
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