Bref, en cette fin d’année 2001, non seulement tout le monde en parla, de ma Lueur d’espoir, mais tout le monde l’acheta, et ce fut, contre toute attente, mon best-seller !… 20 000 exemplaires… Ben Laden était en train de me laver, de me recadrer en tout cas, j’en étais le premier étonné… Pour un livre à son apologie, à celle d’Al-Qaïda et de leurs attaques sur Manhattan, c’était paradoxal.
Ma promo se poursuivit au galop avec Guillaume Durand et son Campus, où on me fit un accueil de roi entre Christine Angot et Gabriel Matzneff ! Puis avec Beigbeder, qui était monté en grade et avait son propre talk-show littéraire, sur Paris Première : Des livres et moi… Il organisa une confrontation avec l’écrivain-toujours-si-on-peut-dire Maurice G. Dantec qui, ne pouvant pas prendre mon créneau, s’en était fabriqué un autre : celui d’un sioniste pro-américain prenant rageusement parti contre les terroristes par un drôle de raisonnement anti-gauchiste… Il était encore tout bébé bloyen, Maurice, un débutant dans l’apocalypse, confus et d’une laideur gênante.
Maurice G. Dantec, je l’avais vu à l’œuvre après mon esclandre avec Viviane Forrester auquel il avait assisté au Mans en 1997… Au lieu de venir me féliciter franchement, l’auteur de polar plan-plan s’était métamorphosé du jour au lendemain en catho de droite fulminant et « fascisant » !… Comme tant d’autres, Dantec était un piqueur d’énergie, un voleur de feu… Faux immolés, par crainte de se foutre le feu eux-mêmes, ils ne s’enflammaient qu’au contact des autres !
Chez Beigbeder, nous restâmes cordiaux, Dantec et moi, et même presque complices contre les critiques censés nous tailler et que je recouvrais d’accords de guitare (oui, j’avais apporté la mienne à la demande de Paris Première), aussi bien lorsqu’ils éreintaient mon livre que lorsqu’ils en faisaient l’éloge.
Mais l’apothéose télévisuelle de mon come-back triomphal et inattendu fut le Paris Dernière de Taddeï, pour une fois rebaptisé Marseille Dernière… Nous allâmes le tourner dans ma ville, où je me baladais dans les quartiers arabes, entrant au hasard place Jules Guesde chez un pâtissier nocturne, pour être bientôt entouré d’une foule d’inconnus, adultes et enfants, qui m’écoutaient avec attention. Je prêchais la Révolution arabe que Ben Laden avait initiée en punissant les Américains. Pour bien dire ce qu’il voulait dire sur la barbarie yankee, un des Marseillais sortit spontanément cette phrase magnifique, conservée dans l’émission de Frédéric :
— Y a pas pire Ben Laden que Bush !
Avec le recul, on pourrait la prendre pour une prémisse du conspirationnisme. Mais à ce moment-là de l’histoire, aucun Arabe ne pensait que Ben Laden n’était pas le héros qu’il était. Le Marseillais voulait dire que ce que Bush avait fait était pire que ce qu’avait fait Ben Laden. Sans ambiguïté aucune !
Idylle totale ! J’étais devenu l’idole des Arabes vengés, aucun n’osait devant moi s’autonommer « beur ». Ben Laden leur avait donné une fierté. Depuis le commando Septembre noir, ça n’était pas arrivé.
Marseille Dernière… Sans doute avons-nous eu tort de ne pas poster la vidéo de cette émission sur Dailymotion, car ça m’aurait peut-être fait du bien, dans les périodes troubles qui devaient suivre, que les Arabes de la génération conspi voient que d’autres (leurs grands frères mais parfois aussi les mêmes !), m’avaient été, à une époque, « éternellement » reconnaissants…