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MARDIS 22 et 29 MAI 1956
22 mai
Pour bien faire une chose, il faut en être détaché jusqu’au mépris. Il faut en être préoccupé jusqu’à l’obsession. Il faut aussi l’aimer passionnément. – Vivre et imaginer. Imagination sans vie, inflation, fausse monnaie. L’image que je me fais de Jacques Laurent, par exemple. –Ma législation : un indestructible espoir. Un immortel désespoir. Ainsi de mon roman.
29 mai
Viens d’aider un pauvre type renversé en vélo par un motocycliste qui se prenait pour Marlon Brando. Le motocycliste, roulant des épaules, s’est mis à injurier l’autre – beaucoup plus âgé, cinquante ans au moins. J’ai été témoigner et ils ont fini par s’arranger à l’amiable. Je suis descendu parce que je ne puis souffrir l’injustice (le cycliste renversé était dans son droit). Parce que je ne supporte pas qu’un homme vieux, hors d’état de se défendre, se laisse maltraiter par un jeune con. Parce que je crois, enfin, que m’abstenir eût été de la lâcheté : je connais trop la peur pour me permettre d’être lâche. J’ai réellement senti une force invincible qui me faisait me précipiter dans l’escalier, dans la rue, poings serrés, dents grinçantes, cœur sanglant de colère contre l’injustice, contre l’humiliation, contre la lâcheté.
Journal - Jean-René Huguenin
Tags : mai, contre, jusqu’a, motocycliste, d’etre
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