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SAMEDI 18 FÉVRIER 1956
La plupart de mes contacts avec les gens sont ratés et me laissent un goût amer, triste, maussade et parfois coléreux. Suis-je trop exigeant et ma nature toujours insatisfaite ? Ou bien est-ce de ma faute, suis-je incapable de vraiment m’adapter, faire partie ? C’est dans les moments de chute et de faiblesse que je me sens le mieux adapté aux autres. C’est malgré tout assez significatif. Mais la plupart du temps, quand j’existe, je ne suis pas heureux avec la plus grande partie de mes… semblables (semblables !
Il fallait l’humilité chrétienne pour inventer un tel mot !). Ou bien je me suis montré solitaire et lointain, non sans arrogance, et je me reproche la publicité faite sur cette solitude. Ou bien secret et caché, et je regrette de ne pas avoir senti, connu, et surtout de ne pas m’être manifesté. Ou bien j’ai été fort et violent, portant bien haut la bannière des grandes vérités, et je découvre que j’aurais aimé être distant et spirituel. Ou bien j’ai été écarté, différent, personnel, et je regrette de ne pas avoir communié, partagé.Ou encore je me suis assimilé à un groupe et j’ai honte de ne pas avoir respecté mon goût de la solitude. Ou j’ai parlé, prêché dans le désert, laissé passer quelques bribes de mes croyances, mes désirs, et je rougis de ne pas être demeuré impénétrable. Quand j’ai pris du plaisir, je trouve que ça ne valait pas la peine, et qu’il convenait de rester grave. Quand je me suis montré taciturne et sévère, je m’inquiète du « bon temps » manqué. Oui, rares sont les actions qui m’ont satisfait, je ne suis pas souvent content de moi, hormis l’amitié ou le travail, dont les quelques échecs ne m’attristent pas, puisqu’ils révèlent les progrès possibles.
J’aimerais appliquer constamment un code immuable de mes relations avec les autres. Peut-être est-ce là la raison même d’écrire, que de ne pas avoir trouvé sa personnalité, ou plutôt de ne jamais avoir vraiment découvert une autre manière de la manifester que par l’œuvre. Dans la vie, avec ce genre de gens, on reste toujours au-dessous de soi-même.
Est-ce que cela est secondaire aussi ? Les autres… Ils m’ont tellement déçu pour la plupart, que ça pourrait bien être aussi, entre autres, une raison d’écrire : leur mettre le nez dans leur crotte. *Journal - Jean-René Huguenin
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