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Un animal nocturne (4)
Un animal nocturne, voilà ce qu j'étais devenu, à force de solitude; à cause aussi du rapport que j'entretenais avec cette chienne dont, régulièrement, on m’envoyait débarrasser les portées: tâche dont j'ai appris à m’acquitter sans rechigner, pour ne pas perdre la face, comprenant que, comme celle des poulets, la mort de ces chiots à peine sortis du ventre de leur mère faisait, comment le dire autrement, partie de ma vie, et que je ne pourrais demeurer à Siom sans tuer ces chiots et ces chatons dont j’étais libre ( une liberté à laquelle je n'ai jamais cessé de penser, obscurément ou avec effroi, comme si ces petites bêtes encore aveugles continuaient à gémir dans les ténèbres, à en appeler à je ne sais quelle justice qui dépassât le seul principe de vie et me rendait criminel), libre de choisir la mort, me refusant à les noyer dans le lac ou à les enterrer vivants, comme on le faisait d'ordinaires, préférant les assommer à coup de bâton, sur une pierre plate, au milieu d'un ruisseau, faisant éclater ces crânes comme des bogues de châtaignes, le plus rapidement possible, avec la bénédiction de la vieille Roche qui, me voyant monter un jour vers la Croix des Rameaux avec ma besace gémissante, me demanda où j'allais et, sur ce que je lui répondis, me dit, d'un ton à la fois léger et lointain, comme si nos évoquions sa propre mort: "Il faut bien que quelqu'un le fasse ..."
On savait que, comme le soleil, comme l'origine des origines, la mort ne se laissait regarder qu’au crépuscule, ou en songe.
"Ma vie parmi les ombres" Richard Millet
« LA PÉNURIE MÉDICAMENTEUSE EST SOIGNEUSEMENT ORGANISÉE !Comment l'Occident a promis à l'URSS que l'OTAN ne s'étendrait pas, par Roland Dumas, ex-ministre »
Tags : mort, vie, nocturne, faisant, animal
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