• X. DE L’ÉTAT DU TRAVAIL À L’ÉTAT CULTUREL (1/3)

     

    1. CULTE DES ENFANTS

    Notre époque est simultanément l’époque du combat de la technique et l’époque de préparation de la culture. Elle nous place devant une double exigence :

    1. La développement de l’Etat du travail.

    2. La préparation de l’Etat culturel.

    La première tâche place la politique au service de la technique — la seconde, au service de l’éthique.

    Seul le regard porté vers l’âge de la culture à venir donne à l’humanité souffrante et combattante de l’âge technique la force de poursuivre jusqu’à la victoire le combat contre les violences de la nature.

    Le travail supplémentaire que l’humain moderne fournit, par rapport à l’humain médiéval, est son legs  aux humains du futur ; à travers ce travail supplémentaire, il accumule un capital en connaissances, en machines et en valeurs, dont les intérêts seront un jour savourés par ses petits-enfants.

    La division de l’humanité en maîtres et esclaves , en émissaires de la culture et travailleurs forcés, est toujours en vigueur aujourd’hui : mais ces castes commencent à se déplacer du social vers le temporel. Nous ne sommes pas  les esclaves de nos contemporains — mais de nos petits-enfants. À la place d’une contiguïté des états de maîtres et d’esclaves, notre conception  culturelle pose une succession des époques d’esclaves et de maîtres. Le monde du travail d’aujourd’hui érige les fondements du monde culturel de demain.

    Tout comme jadis l’otium culturel des maîtres était construit sur le surmenage des esclaves — de même l’otium culturel du futur sera construit sur le surmenage du présent. L’humanité de maintenant] est au service de celle qui vient ; nous semons ce que d’autres récolteront ; notre temps travaille, cherche, lutte — pour qu’un monde futur puisse renaître dans la beauté.

    Au culte oriental des ancêtres, s’est ainsi substitué un culte occidental des enfants. Il fleurit dans l’État du travail, capitaliste comme communiste : en Amérique comme en Russie. Le monde s’agenouille devant l’enfant en tant qu’idole, en tant que promesse d’un avenir plus beau. C’est devenu un dogme que de penser d’abord à l’enfant lorsqu’il est question de bienfaisance. Dans l’Ouest capitaliste, les pères se tuent au travail pour laisser à leurs enfants des possibilités de vie plus riches — dans l’Est communiste, une génération entière vit et meurt dans la misère, pour assurer à ses descendants un avenir plus heureux et plus juste. La piété de l’âge européen est dirigée vers l’avant.

    Le culte de l’enfant, à l’Ouest, s’enracine dans la croyance  en le développement. L’Européen voit dans ce qui est plus tardif quelque chose de mieux, de plus hautement développé ; il croit que ses petits- enfants seront plus dignes de liberté que lui et ses contemporains : il croit que le monde avance. Là où l’Oriental voit le présent suspendu, en équilibre ] entre le passé et le futur — il apparaît à l’Européen comme une boule qui roule, se détachant toujours plus vite de son passé, pour se précipiter dans un futur inconnu. L’Oriental demeure au-delà du temps ; l’Européen va avec le temps : il repousse le passé et embrasse son futur. Son histoire est un perpétuel règlement de compte avec le passé et une ruée vers le futur. Dans la mesure où il fait l’expérience  de l’avancée du temps, l’immobilité signifie pour lui la régression. Il vit dans le monde héraclitéen du devenir — l’Oriental dans le monde parménidien de l’être .

    La conséquence de cette attitude en est, que notre âge n’est à évaluer que depuis la perspective de l’âge à venir. C’est un temps de préparation et de combat , d’immaturité et de passage. Nous sommes un genre jeune, qui marche sur le pont entre deux mondes, et qui se tient aux commencements d’un cercle culturel ] inexploré : notre plus forte émotion, nous l’éprouvons ainsi à travers la ruée vers l’avant, la croissance et les combats — et non à travers la pacifique jouissance de la maturité orientale. Notre but n’est pas le plaisir — mais la liberté ; notre chemin n’est pas la contemplation — mais l’action. —

    2. DEVOIR DU TRAVAIL

    Le développement  de l’Etat du travail est le seul devoir culturel  de notre âge. L’État du travail est la dernière étape de l’humain sur son chemin vers le paradis culturel du futur.

    Développer l’État du travail signifie : mettre toutes les forces du travail tangibles, de la nature et des humains, de la façon la plus rationnelle, au service de la production et du progrès technique. —

    Dans une époque qui construit les fondements de la culture à venir, personne n’a droit à l’otium. Le devoir du travail général est en même temps un devoir éthique et un devoir technique.

    Popper-Lynkeus a ébauché dans son ouvrage « Die allgemeine Nàhrpflicht » [« Le devoir de nourrir général »] un programme idéal pour le développement de l’État du travail. Il y demande qu’au devoir militaire soit substitué un service du travail obligatoire et général, lequel durerait plusieurs années et permettrait à l’État de garantir à vie à chacun de ses membres un minimum de subsistance, en termes de nourriture, habitat, habillement, chauffage et soins médicaux. Ce programme pourrait briser la misère et l’inquiétude, en même temps que la dictature des capitalistes et des prolétaires. À travers le devoir du travail général, les différences de classe cesseraient, comme cesse avec l’introduction du devoir militaire général, en temps de guerre, l’opposition entre les soldats de métier et les civils. — L’abolition du prolétariat est un idéal plus souhaitable que sa domination  . —

    Le travail forcé le plus général, est le prix que demande Popper- Lynkeus pour l’aplanissement de la misère et de l’inquiétude. Réduire au minimum ce travail forcé, à travers l’encouragement de la technique et l’amélioration de l’organisation, pour finalement le remplacer par un travail volontaire  — voilà ce qui forme le deuxième point du programme de l’État du travail.

    L’espoir que Lénine exprime dans « L’Etat et la Révolution », à savoir que l’humanité continuerait volontairement de travailler, même après l’abolition du travail forcé, n’est pas une utopie pour les pays du Nord. En effet l’Européen et l’Américain infatigables ne trouvent aucune satisfaction dans l’inactivité [139] ; à travers la contrainte multimillénaire, le travail leur est devenu une seconde nature : ils en ont besoin pour exercer leurs forces, et pour chasser le spectre de l’ennui. Leur idéal est actif, non contemplatif C’est pour cette raison — et non par cupidité — que la plupart des millionnaires de l’Ouest continuent de travailler sans répit, au lieu de savourer insouciamment leur fortune ; et pour cette même raison que beaucoup d’employés voient leur mise à la retraite comme un coup du destin, parce qu’ils préfèrent le travail auquel ils sont habitués plutôt que l’oisiveté forcée. —

    Dans l’état actuel de la technique, ce travail volontaire serait encore insuffisant pour bannir la détresse : beaucoup de surmenage et de travail forcé sont encore nécessaires afin de libérer le chemin pour le beau et libre travail du futur.

    L ’inventeur trace ce chemin vers le futur. Son oeuvre infatigable et silencieuse est plus essentielle et significative pour la culture que l’effervescence bruyante des politiciens et des artistes, qui se précipitent au premier plan de l’arène du monde. La société moderne se doit d’encourager par tous les moyens imaginables ses inventeurs et leurs activités : elle devrait leur accorder la même situation avantageuse que le Moyen Âge aménageait pour ses moines et ses prêtres, et ainsi leur proposer la possibilité de développer sans inquiétude leurs inventions.

    Tout comme les inventeurs sont les personnalités les plus importantes de notre époque, de même les travailleurs industriels en sont la position la plus importante : car ils forment la troupe de première ligne dans le combat de l’humain pour la maîtrise de la Terre et ils donnent naissance aux figures qui ont été engendrées par les inventeurs.

     

     

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