• APOLOGIE DE LA TECHNIQUE : L’ASIE ET L’EUROPE

    III. L’ASIE ET L’EUROPE

    1. L’ASIE ET L’EUROPE

    La grandeur de l’Asie réside dans son éthique — la grandeur de l’Europe dans sa technique.

    L’Asie est la maîtresse à penser du monde en matière de domination de soi.

    L’Europe est la maîtresse à penser du monde en matière de domination de la nature.

    En Asie, le point clé de la question sociale se situe dans la surpopulation — en Europe dans le climat.

    L’Asie devait avant tout chercher à rendre possible un vivre ensemble pacifique entre des humains en surnombre : elle ne pouvait le faire qu’à travers une éducation des humains au désintéressement et à la domination de soi, à travers 1 ’éthique.

    L’Europe devait avant tout chercher à bannir les affres de la faim et du froid qui menaçaient constamment ses habitants : elle ne pouvait le faire qu’à travers le travail et les inventions, à travers la technique. —

    La vie est composée de deux valeurs fondamentales : l’harmonie et l’énergie ; toutes les autres valeurs en découlent.

    La grandeur et la beauté de l’Asie reposent sur l’harmonie.

    La grandeur et la beauté de l’Europe reposent sur l’énergie ;

    l’Asie vit dans l’espace : son esprit est contemplatif, tourné en lui-même, calme et fermé ; il est féminin, végétal, statique, apollinien, classique, idyllique —

    l’Europe vit dans le temps : son esprit est actif, dirigé vers l’extérieur, agité et orienté vers un but  ; il est masculin, animal, dynamique, dionysiaque, romantique, héroïque.

    Le symbole de l’Asie est la mer englobante, le cercle — le symbole de l’Europe est le courant se précipitant en avant, la ligne droite.

    Ici se révèle le plus profond sens des symboles cosmiques Alpha et Oméga. En langage des signes, ils nous permettent d’accéder  à cette mystique et toujours récurrente polarité entre la force et la forme, le temps et l’espace, l’humain et le cosmos, qui se cache derrière l’âme de l’Europe et de l’Asie :

    le grand oméga, le cercle, dont la large porte est ouverte sur le cosmos — est un symbole de l’harmonie divine de Y Asie ;

    le grand alpha, un angle pointu indiquant le haut, et qui perce l’oméga — est un symbole de l’activité humaine et de l’orientation européenne vers un but, rompant avec le calme éternel de l’Asie. A et Q sont aussi, au sens freudien, les indéniables symboles des sexes masculin et féminin : l’union de ces signes signifie l’engendrement et la vie, et révèle l’éternel dualisme du monde. C’est la même symbolique qui, selon toute vraisemblance, se trouve également au fondement des chiffres 1 et 0 : le un fini en tant que protestation contre le zéro infini — oui contre non.

    2. CULTURE ET CLIMAT

    L ’âme de l’Asie et de l’Europe sont issues du climat asiatique et européen.

    Les centres culturels de l’Asie sont situés dans des contrées chaudes — les centres culturels de l’Europe dans des contrées froides. C’est ce qui a généré leur attitude contradictoire face à la nature : là où le pays du Sud peut se sentir comme étant l’enfant et l’ami de sa nature généreusement dispendieuse — le pays du Nord est contraint d’arracher à un sol pauvre, dans un dur combat, tout ce dont il a besoin pour vivre ; il se trouve alors devant un choix : devenir soit le maître soit le valet de la nature — mais dans tous les cas son adversaire.

    Au Sud, l’échange entre l’humain et la nature était pacifico- harmonieux — au Nord il était bellico-héroïque.

    La dynamique de l’Europe s’explique par le fait qu’elle soit le centre culturel nordique de la Terre. Depuis des dizaines de milliers d’années, le froid et la pauvreté du sol placent l’Européen devant à un choix : « travaille ou meurt ! » Quiconque ne voulait ou ne pouvait travailler devait mourir de faim ou de froid. Au fil de nombreuses générations, l’hiver nordique a systématiquement éradiqué les Européens faibles, passifs, indolents et contemplatifs, et a donc engendré un type d’humain dur, actif, héroïque.

    Depuis les temps préhistoriques, l’humanité blanche, et depuis plus longtemps encore l’humanité blonde, lutte avec l’hiver, qui l’a blanchie tout autant qu’elle l’a forgée. L’Européen doit à cet endurcissement des temps anciens le fait d’avoir conservé jusqu’à aujourd’hui sa santé et sa force d’agir, en dépit de tous ses péchés culturels.

    L’humain blanc est le fils de l’hiver, de l’éloignement du soleil : pour dépasser le froid, il a dû étendre ses muscles et son esprit aux plus hautes performances et créer lui-même un nouveau soleil ; il a dû dépasser, recréer, soumettre la nature éternellement ennemie.

    Sous cette contrainte d’avoir à choisir entre l’acte et la mort, a émergé sur la frange nordique de chaque culture son type le plus fort, le plus héroïque : en Europe le Germain ,  en Asie le Japonais, en Amérique Y Aztèque. —

    La chaleur contraint l’humain à limiter son activité au minimum — le froid le contraint à augmenter son activité au maximum.

    L’humain actif et héroïque du Nord a toujours vaincu et conquis le Sud passif et harmonieux : par contre le Sud, plus cultivé, a ensuite assimilé et civilisé les humains nordiques barbares —, et ce jusqu’à ce que finalement lui-même soit aussi conquis, barbarisé, régénéré par un nouveau Nord.

    La plupart des conquêtes guerrières dans l’histoire partent des peuples du Nord et se dirigent contre le Sud — la plupart des troubles spirituo- religieux partent des peuples du Sud et se retournent contre le Nord.

    L’Europe a été conquise religieusement par les Juifs — militairement par les Germains : en Asie, les religions de l’Inde et de l’Arabie ont vaincu : — alors que le Japon est sa puissance politique.

    Les peuples actifs des zones les plus chaudes (les Arabes, les Turcs, les Tatars, les Mongols) ont émergé des déserts ou des steppes : ici, à la place de l’hiver nordique, c’est l’aridité du sol qui a été leur maître en discipline  : mais ici aussi s’accomplit  inévitablement la victoire de l’humain héroïque sur l’idyllique , de l’actif sur le passif de l’affamé sur le rassasié. —

    3. LES TROIS RELIGIONS

    La chaleur de l’Inde, qui paralyse toute activité, a créé cette mentalité contemplative ; le froid de l’Europe, qui contraint à l’activité, a créé cette mentalité active ; la température tempérée de la Chine, qui demande une harmonieuse alternance d’activité et de contemplation, a créé cette mentalité harmonieuse. —

    Ces trois températures ont engendré trois types religieux fondamentaux : le type contemplatif, héroïque et harmonieux.

    La religion et l’éthique héroïques du Nord s’expriment dans les Eddas comme dans la vision du monde des chevaleries européenne et japonaise, et vivent leur résurrection dans l’enseignement de Nietzsche. Leurs plus hautes vertus sont le courage et la force d’agir, leur idéal est le combat, et le héros : Siegfried.

    La religion et l’éthique contemplatives du Sud trouvent leur accomplissement dans le bouddhisme. Leurs plus hautes vertus sont le renoncement et la clémence, leur idéal est le paix, et le saint : Bouddha.

    La religion et l’éthique harmonieuses du Milieu se sont épanouies à l’Ouest dans l’Hellas, à l’Est en Chine. Elles n’exigent ni l’ascèse du combat, ni le renoncement. Elles sont optimistes et d’ici-bas ; leur idéal est l’humain noble : le sage Confucius, l’artiste  Apollon. L’idéal grec de l’humain apollinien se tient au milieu, entre le héros germanique Siegfried et le saint indien Bouddha. —

    Toutes les formations religieuses et éthiques sont des combinaisons de ces trois types fondamentaux. Chaque religion qui se répand doit s’adapter à ces exigences climatiques. Le christianisme oriental se rapproche donc de la religion du Sud, le christianisme catholique de la religion du Milieu, le christianisme protestant de la religion du Nord. Il en va de même pour le bouddhisme à Ceylan, en Chine et au Japon. —

    Le christianisme a transmis à notre culture les valeurs asiatiques du Sud ; la Renaissance nous a transmis les valeurs antiques du Milieu ; la chevalerie nous a transmis les valeurs germaniques du Nord.

    4. HARMONIE ET FORCE
    Les valeurs culturelles européennes sont mélangées — son esprit est surtout nordique.
    En bonté et en sagesse, l’Oriental est supérieur à l’Européen — en force et en intelligence, il lui cède la place.
    L'honneur  européen est une valeur héroïque — la dignité  orientale une valeur harmonieuse.
    Le combat prolongé endurcit le cœur, la paix prolongée l’adoucit. De là vient que l’Oriental est plus clément et doux que l’Européen. À quoi s’ajoute le fait que le passé social des Indiens, des Chinois, des Japonais et des Juifs soit largement plus ancien que celui des Germains, qui vivaient encore, il y a 2000 ans, dans l’anarchie : les Asiatiques ont donc pu mieux développer, et plus longtemps, leurs vertus sociales que les Européens.
    La bonté du coeur correspond à la sagesse de l’esprit. La  sagesse  repose sur l’harmonie — l'intelligence  sur l’acuité de l’esprit.
    La sagesse  est aussi un fruit du Sud mature, rare au Nord. Même les philosophes d’Europe sont rarement sages, leur éthique rarement clémente. La culture antique était encore plus riche en hommes sages, dont l’entière personnalité portait le sceau d’une spiritualité éclairée — alors que ce type dans l’Europe moderne (parmi les chrétiens) s’est quasiment éteint. C’est aussi lié à la jeunesse culturelle des Germains, ainsi qu’à la dimension passionnée de l’esprit européen. À cela s’ajoute le fait que dans le Moyen Age chrétien les cloîtres, nichés au milieu d’un monde belliqueux et actif, aient été les seuls asiles pour la sagesse contemplative : les sages s’y sont retirés et éteints, victimes de leur vœu de chasteté.
    Les images européennes du Christ ont l’air sérieux et triste — tandis que les statues du Bouddha sourient. Les penseurs d’Europe sont gravement sérieux — tandis que les sages d’Asie sourient : car ils vivent en harmonie avec eux-mêmes, la société et la nature, non en combat ; ils commencent chaque réforme par eux-mêmes au lieu des autres, et agissent  ainsi davantage à travers leur exemple qu’à travers des livres. Sur
    l’autre rive de leur pensée, ils trouvent à nouveau leur enfance — tandis que les penseurs européens deviennent précocement séniles.
    Et pourtant l'Europe  est, en son genre, aussi grande que l’Asie : mais sa grandeur ne réside ni dans la bonté, ni dans la sagesse — mais dans la force d’agir  et dans
    l'esprit d’inventeur.
    L'Europe est l’héroïne du monde  ; sur chaque front de combat de l’humanité, elle est à la pointe des peuples : dans la chasse,  la guerre  et la technique,  l’Européen  a plus oeuvré que n’importe quel peuple culturel historique, avant lui ou à côté de lui. Il a éradiqué de ses pays presque tous les animaux dangereux ; il a vaincu et soumis presque tous les peuples de couleur sombre, et pour finir, à travers l’invention et le travail, à travers la science et la technique, il a acquis sur la nature une puissance
    telle, que jamais ni nulle part il ne fut tenu comme possible dans acquérir autant.
    La mission mondiale de l’Asie  est la délivrance de l’humanité grâce à l’éthique — la
    mission mondiale de l’Europe  est la délivrance de l’humanité grâce à la technique.

    Le symbole de l’Europe n’est ni le sage, ni le saint, ni le martyr — mais le héros, le combattant, le vainqueur et le libérateur. 

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