• Bombay-Express

     


    La vie que j’ai menée
    M’empêche de me suicider
    Tout bondit
    Les femmes roulent sous les roues
    Avec de grands cris
    Les tape-cul en éventail sont à la porte des gares.
    J’ai de la musique sous les ongles.
    Je n’ai jamais aimé Mascagni
    Ni l’art ni les Artistes
    Ni les barrières ni les ponts
    Ni les trombones ni les pistons
    Je ne sais plus rien
    Je ne comprends plus...
    Cette caresse
    Que la carte géographique en frissonne
    Cette année ou l’année prochaine
    La critique d’art est aussi imbécile que l’espéranto
    Brindisi
    Au revoir au revoir
    Je suis né dans cette ville
    Et mon fils également
    Lui dont le front est comme le vagin de sa mère
    Il y a des pensées qui font sursauter les autobus
    Je ne lis plus les livres qui ne se trouvent que dans les bibliothèques
    Bel A B C du monde
    Bon voyage !
    Que je t’emporte
    Toi qui ris du vermillon


    BLAISE CENDRARS (1887~1961) - (Dix-neuf poèmes élastiques, 1919) Avril 1914 

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