• Complainte amoureuse

     


    Oui dès l'instant que je vous vis
    Beauté féroce, vous me plûtes
    De l'amour qu'en vos yeux je pris
    Sur-le-champ vous vous aperçûtes
    Mais de quel air froid vous reçûtes
    Tous les soins que pour vous je pris !
    Combien de soupirs je rendis !
    De quelle cruauté vous fûtes !
    Et quel profond dédain vous eûtes
    Pour les voeux que je vous offris !
    En vain, je priai, je gémis,
    Dans votre dureté vous sûtes
    Mépriser tout ce que je fis ;
    Même un jour je vous écrivis
    Un billet tendre que vous lûtes
    Et je ne sais comment vous pûtes,
    De sang-froid voir ce que je mis.
    Ah ! Fallait-il que je vous visse
    Fallait-il que vous me plussiez
    Qu'ingénument je vous le disse
    Qu'avec orgueil vous vous tussiez
    Fallait-il que je vous aimasse
    Que vous me désespérassiez
    Et qu'enfin je m'opiniâtrasse
    Et que je vous idolâtrasse
    Pour que vous m'assassinassiez
     
    Alphonse Allais
    « Savoir lireLe muguet »
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