• Extrait "ces Messieurs d'en haut 2004

     

    Réédition "Ces Messieurs qui nous gouvernent" 2020

    ...."Pouvoir, argent, sexe ! Trois fléaux ! Décadence.
    Je me souviens d’un déjeuner entre deux messieurs d’âge mûr lors d’un de mes voyages à Venise.
    L’un d’eux était un flamboyant personnage bien connu et l’autre son fidèle ami banquier. Ce dernier avait l’allure chétive, le teint gris, le crâne dégarni, avec de petites lunettes rondes cerclées d’acier derrière lesquelles ses yeux comme deux lames tranchantes fuyaient le regard, mais semblait plus volubile.
    J’appris plus tard que cet homme avait réussi à échapper à la persécution nazie avec toute sa famille, pendant la dernière guerre. Il avait alors vingt ans. Travailleur acharné, financier avisé et malin, il réussit en quelques années à faire fortune. C’est alors qu’il prit une terrible décision : effacer toute trace de son passé. Il renia alors son nom, sa famille et pendant de longues années envoya de façon anonyme, régulièrement, une misérable obole mensuelle à sa vieille mère qui se lamenta jusqu’à sa mort de n’avoir jamais pu serrer à nouveau ce fils dans ses bras !
    Ce jour-là, grâce à certains petits détails dévoilés, je découvris qui était cet homme. Sa fortune était incalculable et ses sages conseils en gestion et placements et autres ficelles étaient prisés par certains personnages haut placés !...
    Son ami, qui lui aussi pouvait être classé dans la case grandes fortunes, écoutait attentivement son monologue, tout en me chuchotant à l’oreille :
    « Vous avez devant vous un des plus grands collectionneurs d’art au monde ! »
    Par la bouche de ce dernier, dont je connaissais l’amateur nanti qui aurait fait pâlir d’envies les plus grandes musées internationaux, je pouvais aisément me représenter la quantité et la valeur du trésor de l’autre !
    Des collectionneurs plus attachés à la valeur marchande qu’à l’œuvre artistique de leur magot ! Bref, à la table, le petit homme cristallin, recroquevillé sur sa chaise, s’enflammait en s’agitant nerveusement :
    « Vous et moi ne sommes rien, mon cher, disait- il, en faisant voleter ses petits doigts d’oiseau transparents et fragiles. Ce que nous possédons est infime, comprenez-vous. Il nous faut plus encore. Le pouvoir de l’argent est fascinant, n’est-ce pas ! Mais nous avons fort à faire, il nous faudra bâtir un empire plus grand encore, amasser, entasser démesurément, toujours plus. Là est le vrai pouvoir aujourd’hui et vous savez ce que cela signifie ! » L’autre, un peu gêné, opinait de la tête, en avançant la main pour le calmer et le contraindre à plus de discrétion.
    J’assistais là à un discours totalement surréaliste mais je comprenais que ce qui nous était donné de voir à nous, vulgum pecus, n’était bien que l’infime face visible de l’iceberg.
    Après le café, ils m’invitèrent à les accompagner. Installée dans un confortable motoscafo en acajou qui nous emmenait sur le Grand Canal, je me tenais à l’écart, bercée dans ce silence ouaté d’une brume nacrée, et j’observais les deux hommes qui continuaient à bâtir leurs cathédrales aux socles de poussière sur des montagnes d’or.
    Bientôt l’embarcation stoppa devant un magnifique palais plié par l’âge et les rhumatismes, tout autant que mes deux compagnons de voyage.
    On m’expliqua alors que notre consulat était par trop exigu et qu’il fallait songer à lui donner un peu plus de faste.
    Ce palais était à vendre mais quelques jours plus tard, incidemment, j’apprenais la vérité : l’un des tous premiers personnages de l’État rêvait d’un nid à la hauteur de sa fonction, pour des visites discrètes et coquines dans la Venise ensorceleuse. Aux frais de la République et d'Elf Aquitaine qui dût s'exécuter devant les désirs du prince!!

    Je les ai vus se goberger, s’empiffrer sur le dos de la bête.
    Je les ai vus, les yeux plus gros que le ventre, piller et se goinfrer.
    Se donner des lettres de noblesse factices que leur position et leur pouvoir leur conféraient.
    Je les ai vus bomber le torse et de leur petite hauteur, mépriser le peuple en donnant au château de Versailles des fêtes royales pour célébrer dignement l’arrivée au pouvoir.
    Et que dire des châteaux avoisinants transformés en résidences d’été pour nos ministres ! Intendants et valets au garde-à-vous, soumis au bon vouloir des familles et amis qui venaient à l’improviste pour y faire bombance. Les caves millésimées vidées, les jardins potagers pillés, la roseraie classée vandalisée pour installer un fils artiste forgeron et ses ferrailles.
    Les cortèges de voitures officielles comme autant de carrosses et les garden-parties de ces nouveaux parvenus bientôt emperruqués.
    J’ai vu les épouses et leur marmaille jouant à Marie-Antoinette sans vergogne sous les lambris, dont le passe- temps se limitait à organiser des dîners fins entre amis et visiter le Mobilier national comme on va chez Ikea. Gratuit ici. Surtout quand on omettait de restituer pièces d’art et meubles d’époque.
    J’ai vu les caisses noires des ministères exonérées d’impôts, les frais d’intendance éhontés enfler toute honte bue, chauffeurs et gardes du corps à vie et retraites cumulées replètes, des avions équipés comme des palaces volants, des jets sur le tarmac prêts à décoller au moindre caprice ou quand tsunamis, tremblements de terre et autres catastrophes permettaient d’appeler les hordes de photographes, après être passé en vitesse chez le coiffeur et le couturier branché, pour qu’ils vous immortalisent au pied d’un jet avec un sac de riz sur le dos.
    J’ai vu des soutes en provenance d’Afrique garnies de billets de banque et des coffres de voitures transformés en caverne d’Ali Baba pour distribution à grande échelle, des contrats d’État passés aux mains des filous, des comptes bien cachés dans des pays aux lagons bleu émeraude, des guerres fomentées pour piller les richesses de ceux qui n’en verront jamais la couleur et verseront leur sang sans même savoir pourquoi.
    Des enfants éventrés, des femmes violées, lapidées, torturées.
    J’ai vu un avion avec une croix rouge sur son flanc porter secours à des populations africaines affamées et leur tirer dessus, et j’ai même vu certains crocodiles bouffer de malheureux témoins encombrants, et d’autres tomber des fenêtres, arrêts cardiaques et cancers fulgurants. Toute cette honte pour encore plus de pouvoir et d’argent.
    Une Europe aux mains de la Finance Internationale et un ordre mondial pour maintenir, verrouiller le système et protéger une élite. Le peuple gronde. Le peuple n’a pas de pain ?
    « Qu’on lui donne de la brioche ! »
    Il n’y a là de ma part aucun pessimisme, aucune mélancolie, tout au plus de la colère et un sentiment d’impuissance. J’aurais préféré ne rien savoir et ne pas payer pour avoir vu les dessous cachés. Mais j’ai un grand goût de la vie et si demain nous apprenions la fin du monde, je serais bien capable d’éprouver encore le besoin de planter un arbre.
    Non, appelons plutôt ce que je ressens «antipathie».
    Je me souviens avec émotion de moments inoubliables, assise sur un banc public, un sandwich à la main, de fous rires, de tendresse, d’amitié et d’étoiles plein les yeux!
    En revanche, j’ai totalement oublié les soirées factices et insignifiantes comme des bulles, arrosées de champagne et de caviar à la louche, de mondanités et ronds de jambe, d’esbroufe, de mensonges, d’hypocrisie et de suffisance. Celles-là ne m’ont pas marquée !
    Alors je tente de refouler des souvenirs qui m’assaillent comme autant de démons. Il y a des jours où ils forcent ma porte! Néanmoins je les repousse de toutes mes forces et m’emploie à grappiller des petits morceaux de bonheur chaque jour, à vivre simplement auprès des miens qui savent la valeur d’une goutte de leur sueur et respectent cette terre. « Le seul avantage du passé, c’est qu’il est le passé » disait Oscar Wilde. Alors je pratique l’amnésie volontaire. ....."

     
    « Interview de Vladimir Poutine par Tucker Carlson en intégralité et en français.The Return »
    Partager via Gmail

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :