• Je continuai mon voyage (2)

     

    Je continuai mon voyage. Je passais de temps en temps la nuit dans une auberge pas trop chère où je prenais un bain et me rasais. Dans le miroir, j'avais vraiment une sale tête. Ma peau était desséchées par le soleil, mes yeux s'étaient creusés, et mes joues brunies étaient parsemées de taches et d’égratignures inconnues. Je ressemblais à un homme qui vient tout juste de sortir d'un trou noir et profond, mais, en y regardant de plus près, je finissais par reconnaître mon visage.

    Je voyageai alors le long de la côte de la mer du Japon, un peu au nord de Tottori ou de Hyôgo. C'était plaisant de marcher le long du rivage. Parce que, sur la plage, il y avait toujours un endroit pour dormir tranquillement. Je pouvais faire du feu avec des morceaux de bois amenés là par la mer, y griller du poisson séché acheté chez le poissonnier. Puis je buvais du whisky et pensais à Naoko tout en écoutant le bruit des vagues. C'était très étrange pour moi d'imaginer qu'elle était morte et qu'elle n'existait plus en ce monde. Je n'arrivais pas encore à accepter cette réalité. C'était une chose incroyable pour moi. J'avais pourtant bien entendu le bruit des clous qu'on enfonçait dans le cercueil, mais je n'arrivais pas à m'habituer à la réalité,qui était qu'elle était retournée au néant.
    Les souvenirs que j'avais d'elle étaient vraiment trop présents. Je n'oubliais pas le jour où elle avait délicatement pris mon sexe dans sa bouche, laissant retomber ses cheveux en cascade sur mon bas-ventre.Je me rappelais sa tiédeur et son souffle, ainsi que la douce sensation que j'avais éprouvé en éjaculant. Je m'en souvenais aussi nettement que si cela s'était passé cinq minutes plus tôt. Et j'avais l'impression qu'elle était près de moi et qu'il me suffirait de tendre le bras pour la toucher. Mais elle n'était pas là. Son corps n'existait plus nulle par au monde.
    Quand je n'arrivais vraiment pas à m'endormir, j'imaginais ses différentes silhouettes. Je ne pouvais pas faire autrement. Parce que trop de souvenirs d'elle se bousculaient en moi, et que ces souvenirs tentaient obstinément de sortir par la moindre ouverture. Et je n'arrivais pas à endiguer leur flot.

    "La ballade de l'impossible" Haruki Murakami *

     

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