-
Jeudi 20 juin
Maintenant que j'ai un peu de temps pour moi, pour rêver, penser à ce que, dans le fond de mon coeur, j'appelle avec une humble tendresse "mon métier", je redécouvre que l'amour de la vie, la joie de vivre, ne tiennent qu'à la force de notre espérance. A mesure que je plonge en moi-même, je retrouve embelli, transfiguré, le monde que je viens de quitter. Les choses, qui n'étaient que des mirages décevants quand je m'en approchais, redeviennent vraies par la force du coeur. De nouveau, je les vois par l'intérieur. De nouveau voilà qu'elles existent, et que je les aimes. Je pense au mot de Benjamin Constant:
"Ma vie n'est au fond nulle part qu'en moi-même" *
C'est parce que je m'étais perdu que j'avais perdu l'espérance. J'étais remonté à la surface, poussé par ce périodique et vain désir de voir ce qui s'y passe, d'être, quelque temps, comme les autres. Une fois de plus, j'ai appris qu'être comme les autres, c'est ne pas être; on paie sa ressemblance de sa vie. Notre originalité nous effraie, voilà pourquoi la plupart des gens n'osent pas quitter le troupeau pour vivre. Il faut se faire à cette idée que c'est notre rêve et notre immense espoir qui nous donne le bonheur; les rêves ne se partagent pas. C'est le fond douloureux de chaque rêve, sa noblesse désespérée, sa sainteté. Il est intransmissible, le moindre contact avec la plupart des gens le fait se dissiper d'un seul coup, comme ces fils de la vierge qu'il suffit d'effleurer pour qu'ils s'évanouissent. Mais je sais que c'est leur vie qui est fausse, et que ce sont mes rêves qui existent. *
Journal, 1957 (jeudi 20 juin) Jean-René Huguenin *
Tags : vie, moi, reves, jeudi, fond
-
Commentaires
Bonsoir,
Rien n'est facile dans la vie, vivre c'est déjà difficile. Il faut avoir de sacrées bonnes raisons pour vouloir s'éloigner d'une éducation...
Merci pour la visite. Sourire