• L'accablement

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    L'accablement

    Mes yeux rendus à la lumière,
    Mais fatigués de tant de pleurs,
    S'offensent des vives couleurs,
    Et baissent leur faible paupière.

    Les voix n'ont plus leurs doux accents,
    Rien ne m'émeut, rien ne m'alarme :
    Ah ! si je n'ai plus une larme,
    C'est donc le bonheur que je sens ?

    Croyons-le. Puisque tout m'éclaire,
    C'est le bonheur qui m'est rendu :
    Puisque rien ne sait plus me plaire,
    C'est le bandeau que j'ai perdu.

    Je regarde à présent la vie
    Comme un lieu que j'avais quitté ;
    Mais une erreur longtemps suivie
    Change jusqu'à la vérité.

    Vers sa belle image envolée
    Mon cœur ne retournera plus :
    Pour ramener l'onde écoulée,
    Tous les efforts sont superflus.

    Mais pourquoi, lorsque le jour tombe,
    Semble-t-il isoler mon sort,
    Comme s'il passait sur la tombe
    De tous ceux qui m'aiment encor ?

    Ah ! c'est que mon âme est changée ;
    C'est que je suis faible au malheur ;
    C'est que j'ai bravé la douleur,
    Et que la douleur s'est vengée.

    C'est que des jeux le tendre essaim,
    Déserte au cri de la souffrance ;
    Que tout est froid sans l'espérance,
    Et qu'elle est morte dans mon sein.

    Et pour celui qui fit ma peine,
    Que ma voix ne sait plus nommer,
    Dieu ! qu'il a mérité ma haine !
    Que je voudrais ne plus l'aimer !

    Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)
    Recueil : Élégies (1830)
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  • Commentaires

    1
    Dimanche 3 Avril 2016 à 17:51

    Très beau et ça aurait pu aussi être du BAUDELAIRE je trouve, bises

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