• L'énigme du regard

     

    Elle le reconnait : elle parle si bas qu'elle en est à peine audible.Il faut tendre l'oreille pour comprendre ce qu'elle dit. Nous savons, elle et moi, que cette stratégie longtemps restée inconsciente répond à son besoin de capter l'attention de son interlocuteur afin de l'avoir pour elle exclusivement. Désormais elle en joue et sourit quand parfois je lui demande de répéter, en particulier quand elle a ponctué sa phrase  d'un certain "J'sais pas!" avec un air triste et abattu. Elle ne me quitte pas des yeux, ce qui me donne l'impression constante d'être "mangé du regard". Parfois mes yeux se posent sur son visage et nous croisons nos regards pendant quelques secondes, puis je porte mon propre regard sur l'extérieur : le fouillis sur mon bureau, une reproduction de Gauguin, la fenêtre et les arbres du parc... Mais je sais que son regard reste fixé sur moi. Je me sens surveillé, épié même. Il m'arrive de fermer le yeux, de poser les mains sur le sommet de ma tête et de chercher un instant de détente physique.  Être ainsi capté par  le regard d'un autre, placé sous le feu de son attention est particulièrement éprouvant, fatigant. Précisément, n'est-ce pas à cela que Sigmund Freud avait voulu échapper en s'asseyant derrière le patient qui était allongé sur le divan, évitant par ce dispositif le croisement des regards?

    "Les yeux dans les yeux"  Daniel Marcelli

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