• Lettre de Maria Casarès à Albert Camus

    Maria Casarès (21 novembre 1922 – 22 novembre 1996) fut l’une des plus grandes actrices françaises, une figure de proue du cinéma des années 40 (Les Enfants du paradis, Orphée) ainsi qu’une légendaire tragédienne. Elle rencontre Albert Camus à l’hôtel Aviatic, au 105 rue de Vaugirard en 1943, alors que l’écrivain faisait également la rencontre de l’équipe de Gallimard. Elle est devenue son grand amour. Leur histoire a duré douze ans, avant d’être brisée par la mort brutale de l’écrivain. Témoin de cette relation passionnelle et impossible, cette lettre jamais envoyée à Camus : extraits !

    (sans date) Voilà quelques jours déjà que je ne t’ai pas écrit et pourtant je n’ai pas cessé de penser à toi.

    Mais pour être transparente et puisque tu ne liras tout cela qu’un jour lointain et à condition que tu me le demandes, je pense pouvoir te dire sans danger de t’apporter la moindre inquiétude ni le plus petit souci.

    Ces derniers jours ont été assez pénibles malgré tous les efforts que j’ai faits pour vaincre les doutes et répondre à toutes les questions qui se sont présentées à mon esprit.

    J’ai passé des heures dures de mélancolie et de révolte successivement à en perdre haleine. J’ai eu beau me dire que ça ne pouvait pas, qu’il ne pouvait en être autrement, qu’après tous les jours de bonheur inespérés et suffocants que tu m’avais donnés il fallait de toute évidence qu’une fois seule et loin de toi, trop brusquement après avoir été avec et en toi d’une façon surprenante, il fallait me suis-je répété avec un entêtement de vraie galicienne, une réaction et une réaction qui devait m’emmener vers des pensées et des sentiments injustes, illogiques et sots.

    Je ne devrais donc pas leur porter aucune [sic] attention. Je t’en fiche ! J’avais tout simplement oublié que l’état dans lequel je me trouvais venait justement du fait de me trouver seule, un peu perdue, déséquilibrée (« désépaulée ») et par conséquent en dehors de toute sagesse et tout raisonnement.

    À ce vide que ton départ a laissé en moi est venu s’ajouter l’accomplissement de la promesse que je t’avais faite de dire à JS [Jean Servais] clairement où j’en étais.

    Tout a été fait ou presque tout. Il connaît mes sentiments vis-à-vis de toi bien qu’il ignore encore notre vie depuis un mois. Je ne lui en parlerai d’ailleurs que si tu l’exiges car je considère qu’il en est étranger et que cela ne regarde en rien.

    Tout s’est passé facilement et doucement. Trop bien. Dès qu’il a su il s’est incliné. Mais de quelle façon !

    Aussitôt que j’ai pu me retrouver seule une foule d’idées contradictoires me noya. Des idées dont je te parlerai un jour si tu veux les connaître mais que je n’ai pas le courage d’écrire. En tous cas ce que je peux te dire c’est que tout se révélait contre nous sauf une chose : mon amour tout neuf pour toi, une sorte d’avalanche qui est prête à tout broyer, à tout casser par le seul fait qu’elle se sent trop puissante et qu’il faut de la place pour s’y installer et prendre ses aises.

    Le bric-à-brac intérieur mêlé aux dernières choses à faire et aux préparations de départ m’ont privé d’un temps précieux dans lequel j’aurais pu te dire que je t’aime. […]

    Bonsoir mon chéri, mon amour, serre moi comme je t’aime, je t’en prie.

     

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