• "Soif" extrait

     

    "Ivre je l'étais ce soir-là, et cette ivresse était sainte. Avant l'incarnation, je n'avais pas de poids. Le paradoxe, c'est qu'il faut peser pour connaître la légèreté. L'ébriété délivre de la pesanteur et donne l'impression que l'on va s'envoler. L'esprit ne vole pas, il se déplace sans obstacle, c'est différent. Les oiseaux possèdent un corps, leur envol relève de la conquête. Je ne le répéterai jamais assez : avoir un corps, c'est ce qui peut arriver de mieux.
    Je me doute que demain, je penserai le contraire, quand mon corps sera supplicié. Puis-je pour autant renier les découvertes qu'il m'a données ? Les plus grandes joies de ma vie, je les ai connues par le corps. Et faut-il préciser que ni mon âme ni mon esprit n'étaient en reste ?
    Les miracles aussi je les ai obtenus par le corps. Ce que j'appelle l'écorce physique. Y avoir accès suppose l'anéantissement momentané de l'esprit. Je n'ai jamais été un autre homme que moi, mais j'ai l'intime conviction que tout un chacun possède ce pouvoir. La raison pour laquelle on y recourt si peu, c'est la terrible difficulté du mode d'emploi. Il faut du courage et de la force pour se soustraire à l'esprit, ce n'est pas une métaphore. Quelques humains y sont arrivés avant moi, quelques humains y parviendront après moi."

    Soif, d'Amélie Nothomb *

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