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TOUT DOIT DISPARAÎTRE (3) 1/2
Les pédés, je les hais, mais ils ne sont qu’une minorité parmi d’autres. Toutes les minorités empêchent les individus de prendre le pouvoir. C’est ça qui est impardonnable. Mais je ne m’inquiète pas : les tantes sont allées trop loin, le ghetto s’est trop syndicalisé, l’étoile rose est devenue une trop arrogante institution, cette vulgarité fera partie de la charrette… Les pédés seront les premiers à morfler du revers de la Trique. Vous verrez ce que je vous dis : le come-back du bâton va être terrible. Le socialisme a fait reculer l’extrême gauche jusqu’au fin fond de la Droite. Ne vous plaignez pas des mesures et des sanctions frissonnantes qui nous attendent. Finie la grève ! Finie la Justice ! Fini le Chômage ! Finis l’assistance et le piston ! Dehors les crouilles ! Les fonctionnaires ! Les vieillards ! Les bouches inutiles ! Fini le temps libre ! Finies les femmes libérées ! La fraude fiscale ! Le Corporatisme ! Fini le smic ! Rebonjour la guillotine !… Vous savez pertinemment que ce programme est en ce moment même inscrit au fer rouge dans le cœur de tous les Français. Pas un bourgeois d’ici pour ne pas souhaiter, par les voies démocratiques ou autres, une libéralisation totale après le dirigisme que nous subissons actuellement. Bravo Blum II ! Vive la France ! Heureusement que je suis rital, sinon j’en vomirais, franchement… Il m’avait toujours semblé que la patrie d’à la fois Danton et Doriot trouverait ailleurs qu’aux Etats-Unis, au Japon, en Allemagne et en Angleterre la force d’inverser le travaillisme et de bouter les derniers rots marxistes de l’estomac français.
Comment le pays n’est-il pas en état de révolution, je ne comprends pas. C’est ma seule inquiétude, cette hésitation à descendre dans la rue écraser les menteurs, les sournois du nouveau Front populaire. Personne ne se révolte : ni les patrons plumés, ni les cadres bafoués, ni les ouvriers dupés, ni les bourgeois nationalisés, ce qui prouve bien qu’ils étaient depuis toujours le même ramassis de larves. La lutte des classes est terminée : les réacs sont partout. Il n’y a plus qu’une classe. Les classes se sont fondues dans la réalité psychologique : tout le monde est bourgeois. Plus de peuple. Plus de religion. Plus de Paradis ni d’Enfer. C’est le Purgatoire général. Plus de morale, plus de parole, plus d’idéologies… Du Paraclet au Surréalisme, une seule obsession : fondre les ambivalences ! C’est le mal du siècle. L’hypocrite métissage, la tolérance, la liberté caricaturale, le conservatisme révolutionnaire, le progrès-écrevisse !… Avec l’alphabétisation de la plèbe s’est perdue toute révolte : les rassasiés ne bronchent pas, c’est connu… Au moins la monarchie absolue entretenait les virus révolutionnaires. Les brutes éduquées n’ont plus de raison de se battre, elles somnolent et puent. C’est comme les nègres ou les enfants. Quand le gosse est trop grand pour recevoir des coups de trique, il perd sa dignité. *
Attendez-vous à la barbarie de tous les caprices, les coulisses au grand jour de tous les instincts, l’Enfer Idéal, les Tentations de saint Antoine avec des miradors ! Bruegel-Mauthausen ! Pour redomestiquer les femmes, exterminer les ouvriers et les pédés, pour une convenable oppression des débrouillards, pour supprimer l’incompétence, l’Assistance et le Piston, la France va trouver mieux ! Plus sournois !
Je sais comment ça va s’appeler moi. Ça s’intitulera : LIBÉRALISME, et puis c’est tout. Vous pouvez ranger fascisme et communisme, catholicisme et anarchie. Le Libéralisme, ça passe par l’Économie et pas par le Politique : c’est pour ça qu’hélas, il gagnera.
La décadence vient du fait que la productivité a permis une augmentation du niveau de vie des individus plus rapide que leur capacité à s’instruire, à connaître, à savoir. L’homme n’est pas à la hauteur du progrès qu’il a fait faire à la civilisation. On a cru organiser une société, par la fragmentation des compétences : on aboutit à un corporatisme monstrueux d’incompétences irrévocables. La plaie de notre époque est l’incompétence. Depuis que je suis né, cette hydre merdeuse me ruine les nerfs. Personne ne fait son travail, et surtout les ouvriers. C’est là où ils vont tout perdre. Au moment où le pouvoir leur est donné, il aurait fallu qu’ils soient irréprochables, nets, efficaces, qu’ils « touchent » dans leur métier au lieu de se plaindre de ne pas « toucher » autrement ! Comment voulez-vous considérer encore cette meute d’incapables braillards, escrocs minables, avides et jaloux, et salauds ? Plus d’illusions ! Vous l’avez votre Dictature du Prolétariat ! J’ai une haine, moi, contre les ouvriers à peine concevable : je suis sans pitié pour la mise en larbinage total de cette race de porcs hargneux et geignards. L’Ouvrier est l’Allégorie infâme de l’Incompétence et en tant que tel doit être sanctionné jusqu’à la misère, voire la mort. Ils sont sortis trop tôt des mines. En bas, la bête était encore respectable. Ici, on n’ose plus rien dire. Un taxi vous promène, un garçon vous sert de la merde, un électricien vous prend une fortune pour changer un fil, un menuisier vous fait une porte tordue et on sourit, on lâche le pourboire… Pour boire quoi ? C’est la ciguë qui les désaltérerait comme il faut. L’incompétence me renverse les viscères et je souffre de ne pas pouvoir la punir par l’asservissement aveugle de ses sales fidèles. Moi, je ne connais qu’une Justice, c’est la compétence. La compétence, c’est la vraie sélection, c’est son étiolement inadmissible qui a supprimé l’élite, la noblesse, les belles choses, la gaieté, la sympathie entre les classes, la complicité et la distinction, dans tous les domaines. *« THE LAST OF US - Fuel to Fire (HBO) by Agnes Obel (Cover by Rachel Hardy)Bach Toccata and Fugue Metal Version by SINFӦNICCA »
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