• Charmante tradition française : quand un cheval se casse une patte (pardon, une jambe), on lui tire aussitôt une balle dans la tête en essuyant une larme furtive : « la pauvre bête n’aurait plus pu rapporter de pognon. » J’espère que je ne serai pas armé le jour où un propriétaire de chevaux de course se cassera une patte à côté de moi aux sports d’hiver. Je serais capable de tout, pour l’empêcher de souffrir plus longtemps.

    Pierre Desproges

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    Nous commencions déjà de vivre dans un autre monde, différent de la terre. Un monde hermétique et mystérieux, indéchiffrable pour des yeux malhabiles ou frivoles qui le trouveront toujours monotone et étranger, superficiel, en dépit de sa vie palpitante, de sa polychromie et de son infinie variété de tons. Un monde immense comme l’ambition, tentateur comme le plaisir, vierge de sentiers battus, si mouvant qu’on dirait la vie même et, comme la vie, aimé, détesté et craint. Le monde à la fois multiple et un des eaux changeantes, des couleurs chaudes, des nuances délicates, des arcs-en-ciel fugitifs, de l’écume infiniment plus fragile que le pétale de la dentelle, des ondes graciles et houleuses, qui caressent et énervent, des implacables vagues meurtrières, des symphonies fracassantes et effroyables, et des berceuses roucoulantes. Le monde des gueules d’acier silencieuses, qui tuent sans prévenir, de l’hypocrisie et du mimétisme, de la patience infinie que figurent les madrépores, de la voracité insatiable faite estomac chez le requin, de la force irrésistible, incarnée par la baleine et de la faiblesse sans défense – pas même de la défense du cri d’effroi – qui tremble chez la sardine et le hareng. Un monde protéiforme et confus, hermétique et mystérieux, le monde de la mer.

    Contrebande - Enrique Serpa *

     

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    L'Iris



    Je t'apporte un iris cueilli dans une eau sombre
    Pour toi, nymphe des bois, par moi, nymphe de l'eau,
    C'est l'iris des marais immobiles, roseau
    Rigide, oú triste, oscille une fleur lourde d'ombre.

    J'ai brisé, qui semblait un bleu regard de l'air,
    L'iris du silence et des fabuleux rivages;
    J'ai pris la tige verte entre mes doigts sauvages
    Et j'ai mordu la fleur comme une faible chair.

    Les gestes et les fleurs, ô sereine ingénue,
    Parleront pour ma bouche impatiente et nue,
    Où brûlent mes désirs et l'espoir de tes mains:
    Accueille ici mon âme étrangement fleurie
    Et montre á mes pieds par quels obscurs chemins
    Je mêlerai ta honte á ma vaste incurie.

    Pierre Louÿs "Les chansons de Bilitis" *

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