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    L'homme se passe de la femme, la femme non, la femme pend à l'homme et l'homme s'imagine à tort qu'il la poursuit, alors qu'elle l'appelle. Les couvents d'hommes valent mieux infiniment que les couvents de femmes, les hommes n'ont besoin d'amour, la chair ne les tourmente pas avec la même force, l'homme ne souffre pas d'être homme, mais de manquer d'argent ou de puissance, la femme souffre d'être femme et puis de n'être pas aimée. Les beaux dehors, les ris, les jeux, les bagatelles et les grâces, l'écume de la mer profonde et sous l'écume un monde noir où nous ne sommes plus à nous, mais à l'espèce.

    Albert Caraco

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    Ce qui est vrai d'un homme, dit le juge, et vrai de beaucoup.Le peuple qui vivait ici autrefois s’appelle les Anasazis. Les anciens. Ils ont abandonnés ces régions, chassés par la sécheresse ou la maladie ou par des bandes errantes de pillards, abandonné ces régions depuis des siècles et il n'y a d'eux aucun souvenir. Ce sont des rumeurs et des fantômes dans ce pays et ils sont hautement vénérés. Les outils, l'art, la maçonnerie, tout cela porte condamnation des races qui sont venues après. Mais il n'y a rien à quoi elles peuvent se raccrocher. Les anciens s'en sont allés comme des fantômes et les sauvages rôdent à travers ces canyons au son d'un antique ricanement. Dans leurs huttes grossières ils sont tapis dans l'obscurité et ils écoutent la peur qui suinte de la roche. Tout mouvement d'un ordre supérieur à un ordre inférieur est jalonné de ruines et de mystères et des déchets d'une fureur aveugle. Voilà. Ici sont les ancêtres morts. Leur esprit est enseveli dans la pierre. Il repose sur cette terre avec le même poids et la même ubiquité. Car quiconque se fait un abri de roseaux et de peaux de bêtes s'est résigné dans son âme à la commune destinée des créatures et il retournera à la boue originelle avec à peine un cri. Mais celui qui bâtit avec la pierre s'efforce de changer la structure de l'univers et il en était ainsi de ces maçons aussi primitives que leurs constructions puissent nous paraître.

    "Méridien de sang" Cormac McCARTHY

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    Chacun cherche sa propre destinée et aucune autre, dit le juge. Bon gré ml gré. En fin de compte quiconque pourrait découvrir son propre destin et donc choisir une direction opposée arriverait fatalement au même résultat, à la même heure fixée d'avance, car la destinée de tout homme est aussi vaste que le monde qu'il habite et contient en elle tous ses contraires. Ce désert sur lequel tant d’hommes sont venus se briser est immense et exige de l'homme un grand coeur mais finalement il est vide aussi. Il est cruel. Il est stérile. Sa vraie nature est la pierre.

     

    "Méridien de sang" Cormac McCarthy

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    Mais depuis cent ans les Juifs nous offrent une représentation permanente du Sourd ou de l'Auberge pleine, Israël s'amuse à jouer avec nous aux propos interrompus:

    "Comment se fait-il qu'en quelques années la fortune presque entière de la France se soit centralisée entre quelques mains juives?
    - Quoi! malheureux! vous voudriez au nom des préjugés d'un autre âge nous empêcher d'adorer le Dieu de Jacob, de célébrer yom-Kippour et Peçah?
    - Vous vous êtes abattus comme une pluie de sauterelles sur cet infortune pays. Vous l'avez miné, saigné, réduit à la misère, vous avez organiser la plus effroyable exploitation financière que jamais le monde ait contemplée.
    - C'est la fête de Soucoth qui vous gêne? Soucoth, la poétique fête des feuillages! ... Allons donc, soyez de votre temps, laissez à chacun la liberté de conscience!
    - Les juifs allemands que vous avez trouvé le moyen d'introduire dans tous les emplois, dans les ministères, dans les préfectures, au Conseil d'Etat, sont impitoyables persécuteurs, ils vilipendent tout ce que nos pères ont respecté, ils jettent nos crucifix dans des tombereaux  à ordures, ils s'attaquent même à nos sœurs de charité!
    - Les principes de tolérance proclamés par 89! Il n'y a que ça! Israël! Israël, phare des nations! Israël est le champion de l'humanité: il veut le bien de tous les peuples... c'est pour cela qu'il le leur prend."

    "La Grande Peur des bien-pensants"  Bernanos *

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    Dès que j’avais un livre, mon premier soin était de m’enfermer avec dans ma chambre d’hôtel comme pour une séance d’initiation, et je ne décrochais pas avant d’en avoir terminé, qu’il eût deux cents ou mille pages. Lire les paroles qu’un homme, dont on ne connaît généralement ni le visage ni la vie, a écrites tout spécialement à votre intention sans oser espérer que vous les liriez un jour, vous qui êtes si loin, si loin sur d’autres continents, d’une autre langue. Peut-être habite-t-il une grande maison de campagne au bord du Tibre ou un quarante-septième étage dans New York illuminé, peut-être est-il en train de pêcher l’écrevisse, de piler la glace pour le whisky de cinq heures, de caresser sa femme sur le divan, de jouer avec ses enfants ou de se réveiller d’une sieste en songeant à tout ce qu’il voulait mettre de vérité dans ses livres, sincèrement persuadé de n’avoir pas réussi bien que tout y soit quand même, presque malgré lui. Il a écrit pour vous. Pour vous tous. Parce qu’il est venu au monde avec ce besoin de vider son sac qui le reprend périodiquement. Parce qu’il a vécu ce que nous vivons tous, qu’il a fait dans ses langes et bu au sein, il y a de cela trente ou cinquante ans, a épousé et trompé sa femme, a eu son compte d’emmerdements, a peiné et rigolé de bons coups dans sa vie, parce qu’il a eu faim de corps jeunes et de plats savoureux, et aussi de Dieu de temps à autre et qu’il n’a pas su concilier le tout de manière à être en règle avec lui-même. Il s’est mis à sa machine à écrire le jour où il était malheureux comme les pierres à cause d’un incident ridicule ou d’une vraie tragédie qu’il ne révèlera jamais sous son aspect authentique parce que cela lui est impossible. Mais il ne tient qu’à vous de reconstituer le drame à la lumière de votre propre expérience et tant pis si vous vous trompez du tout au tout sur cet homme qui n’est peut-être qu’un joyeux luron mythomane ou un saligaud de la pire espèce toujours prêt à baiser en douce la femme de son voisin. Qu’il ait pu écrire les deux cents pages que vous avez sous les yeux doit vous suffire. Qu’il soit l’auteur d’une seule petite phrase du genre : «A quoi vous tracasser pour si peu, allez donc faire un somme en attendant», le désigne déjà à nous comme un miracle vivant. Même si vous deviez oublier cette phrase aussitôt lue et n’y repenser que le jour où tout va de travers, à commencer par le réchaud à gaz ou la matrice de votre femme. Et si par hasard vous avez la prétention de devenir écrivain à votre tour, ce que je ne vous souhaite pas, lisez attentivement et sans relâche. Le Littré, les articles de dernière heure, les insertions nécrologiques, le bulletin des menstrues de Queen Lisbeth, lisez, lisez, lisez tout ce qui passe à votre portée. A moins que, comme ce fut souvent mon cas, vous n’ayez même pas de quoi vous achetez le journal du matin. Alors descendez dans le métro, asseyez-vous au chaud sur un banc poisseux --- et lisez ! Lisez les avis, les affiches, lisez les pancartes émaillées ou les papiers froissés dans la corbeille, lisez par-dessus l’épaule du voisin, mais lisez !...

     
    "Septentrion"  Louis Calaferte
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