• La nuit :
    Attention

    Et les nuits étaient pleines, pour lui, de pensées nouvelles et pénibles. Tenant ses deux mains velues sous sa tête, immobile, il considérait obstinément la lueur de la lampe, tamisée par l’abat-jour bleu, et il songeait à toute sa vie. Il ne croyait pas en Dieu, ne tenait pas à la vie, et ne craignait pas la mort. Tout ce qu’il y avait eu en lui de vie et de force, tout cela avait été dépensé sans profit et sans joie. Dans sa jeunesse, quand ses cheveux frisaient sur sa tête, souvent il volait de la viande ou des fruits, chez son patron ; et on le surprenait, on le battait, et il détestait ceux qui le battaient. Plus tard, dans l’âge mûr, il se servait de sa richesse pour pressurer les pauvres gens ; il écrasait ceux qui lui tombaient sous la main, et eux, en échange, ils le payaient de haine et d’effroi. Puis était venue la vieillesse, était venue la maladie, et l’on avait commencé à le voler lui-même, et lui-même avait traité sans pitié ceux qu’il avait pu surprendre... Ainsi s’était passée toute sa vie : elle n’avait été qu’une longue et amère suite d’humiliations et de haines, où s’étaient bien vite éteintes les petites lueurs [fugitives de l’amour, ne laissant dans son âme qu’un grand tas de cendres froides. A présent, il aurait voulu sortir de la vie, oublier ; mais la nuit silencieuse était cruelle et impitoyable. Et il songeait avec mépris à la sottise de ceux qui aimaient cette vie.

    Leonid Andreïev *

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    L'horreur, ce n'est pas la mort, mais la vie que mènent les gens avant de rendre leur dernier soupir. Ils n'ont aucune considération pour elle et ne cesse de lui pisser, de lui chier dessus. Des copulateurs sans conscience. Ils ne s'obsèdent que sur la baise, le cinoche, le fric, la famille, tout ce qui tourne autour du sexe. Sous leur crâne, on ne trouve que du coton. Ils gobent tout, Dieu comme la patrie, sans jamais se poser la moindre question. Mieux, ils ont vite oublié ce que penser voulait dire, préférant abandonner à d'autres le soin de le faire. Du coton, vous dis-je, plein le cerveau ! Ils respirent la laideur, parlent et se déplacent de manière tout aussi hideuse. Faites leur donc entendre de la bonne musique, eh bien ils se gratteront l'oreille. La majeur partie des morts l'étaient déjà de leur vivant. Le jour venu, ils n'ont pas senti la différence.

    Le Capitaine est parti déjeuner... de Charles Bukowski *

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