•  Il était une fois un vieux qui avait trois fils, dont deux étaient intelligents et le troisième, Emélian, fort bête. Les frères travaillent, et Emélian reste couche sur le poêle et ne se soucie de rien. Un jour, les frères d'Emélian décident d'aller à la foire, et les belles-sœurs l'envoient puiser de l'eau. Le nigaud, couché sur le poêle, réplique:

    - Pas envie...
    - Vas-y, Emélian, sinon nous le dirons à nos maris, qui ne t’achèteront pas de cadeaux.
    - Bon, j'y vais
    Le nigaud finit par descendre du poêle, se chausse et s'habille. Fin prêt, il ramasse deux seaux, une hache, se rend à la rivière qui avoisine le village, et taille un trou dans la glace. Il remplit les seaux, les pose au bord du trou et s'attarde à regarder l'eau. Voici qu'il y aperçoit un brochet; il attrape le poisson à la main et le sort de l'eau
    - On en fera une bonne soupe!
    Soudain, le brochet lui dit en langage humain:
    - Emélian, relâche-moi; je t'enrichirai pour la peine.
    Et le nigaud rit:
    - A quoi peux-tu servir? Non,  je t'emporterai à la maison et te ferai cuire par mes belles-soeurs.
    Le brochet insiste:
    - Ecoute, Emélian, rends-moi la liberté; en récompense, je réaliserai le moindre de tes désirs.
    - Bon, mais d'abord prouve que tu ne mens pas!
    Le brochet lui dit:
    - Emélian, Emélian, que désires-tu maintenant?
    - Je veux que mes seaux d'eau rentrent tout seuls à la maison, et qu'il n'y ait pas d'éclaboussures.
    Le brochet répond:
    - Retiens les paroles que je vais prononcer; les voici: comme le brochet le commande à ma demande.
    Emélian dit:
    - Comme le brochet le commande à ma demande, rentrez, les seaux, à la maison...
    Au même instant, seaux et palanche escaladent la pente. Emélian relâche le brochet et suit les seaux. Ses voisins s'étonnent, et Emélian, lui, chemine sans un mot et rit en douce. Les seaux passent la porte, se posent sur le banc et le nigaud grimpe sur le poêle.
    Quelque temps après, ses belles-sœurs reviennent à la charge:
    - Emélian, qu'as-tu à paresser? Tu devrais aller fendre du bois.
    Le nigaud leur réplique:
    - Et vous alors?
    - Comment, et nous?.. Ce n'est pas notre tâche!
    - Pas envie...
    - Eh bien, tu n'auras pas de cadeaux.
    - Bon, j'y vais

    Le nigaud se lève, descend du poêle, s'empresse de se chausser et de se vêtir. Fin prêt, il gagne la cour, sort le traîneau de sous l'auvent, prend une corde et la hache, s'installe dans le traîneau et dit à ses belles-soeurs d'ouvrir le portail. Elles lui demandent:
    - Pourquoi n'as-tu pas pris le cheval?
    - Pas besoin de cheval.
    Elles ouvrent le portail, et Emélian dit tout bas:
    - Comme le brochet le commande à ma demande, traîneau, file dans la forêt!
    Aussitôt le traîneau débouche de la cour, sous les yeux des villageois ébahis de voir Emélian passer sans cheval à une bonne allure, comme s'il en avait eu pour le moins une paire! Etant donné que le chemin de la forêt passe par la ville, le nigaud la traverse; mais comme il ignore qu'on doit crier pour alerter les piétons, il se tait et en écrase un grand nombre; on lui court après sans parvenir à le joindre.
    Il quitte la ville, pénètre dans la forêt, s'arrête, descend du traîneau et dit:
    - Comme le brochet le commande à ma demande, coupe du bois bien sec, hache, et vous, les bûches, entassez-vous tout seules sur le traîneau et attachez-vous!
    A peine a-t-il parlé que la hache se met à l'ouvre et les bûches s'entassent sur le traîneau et s'attachent. La besogne achevée, il ordonne à la hache de lui tailler une trique. Puis il remonte dans le véhicule et dit:
    -Allons, comme le brochet le commande à ma demande, rentre tout seul, mon traîneau!
    Aussitôt le traîneau part à une bonne allure; mais à la ville où le nigaud a écrasé du monde, on le guette pour lui sauter dessus; il est empoigné, tiré à bas du traîneau et rossé. Se trouvant en si mauvaise posture, il murmure:
    - Comme le brochet le commande à ma demande, ma trique, rosse-les!
    Aussitôt la trique se dresse et de bastonner la foule. Profitant de la débandade, le nigaud s'échappe; la trique le suit après avoir roué de coups les assaillants. Revenu au logis, le nigaud grimpe sur le poêle.
    Peu de temps après, les rumeurs parviennent finalement aux oreilles du tsar qui envoie à sa recherche un officier. Il entre dans l'izba d'Emélian et demande:
    - C'est toi Emélian le nigaud?
    Celui-ci répond du haut du poêle:
    - Que me veux-tu?
    - Habille-toi vite; je dois te conduire auprès du tsar.
    - Pas envie...
    L'officier, fâché, lui donne une gifle. Le nigaud murmure tout bas:
    Comme le brochet le commande à ma demande, trique, rosse-le!
    Aussitôt la trique se dresse et bastonne l'officier qui arrive à s'enfuir. Surpris et ne pouvant croire que le nigaud, à lui seul, ait eu raison de son émissaire, le tsar envoie l'un de ses boyards:
    - Ramène-moi le nigaud, ou je te coupe la tête!

    Le messager se met en route, achète raisins secs, pruneaux, pains d'épice et, sitôt arrivé au village d'Emélian, entre dans l'izba et questionne ses belles-soeurs:
    - Qu'aime-t-il, votre nigaud?
    - Seigneur, notre Emélian aime se faire prier avant de vous rendre service; il aime aussi les vestes rouges.
    Le messager offre au nigaud aisins secs, pruneaux, pains d'épice et dit:
    - Que fais-tu là couché, mon cher Emélian? Allons voir le tsar.
    - Je suis bien au chaud là où je suis!" Car il aime par-dessus tout la chaleur.
    - Viens, on te nourrira bien chez le tsar!
    - Pas envie...
    - Emélian, Emélian, le tsar te fera faire une veste rouges!
    Le nigaud réfléchit et dit:
    - Prends les devants, je te suivrai.
    Le messager repart donc, et le nigaud, après s'être prélassé encore un moment sur le poêle, dit:
    - Allons, comme le brochet le commande à ma demande, poêle, file droit à la ville!
    Aussitôt l'izba craque, le poêle sort dehors, quitte la cour et fonce à toute allure au palais.
    Le tsar s"étonne:
    - Qu'est-ce que c'est que ça?
    Le messager répond:

    - C'est Emélian arrive sur son poêle.
    Le tsar sort sur le perron et demande:
    - Pourquoi as-tu écrasé tant de monde en allant couper du bois dans la forêt?
    - Ce n'est pas ma faute! Ils n'avaient qu'à s'écarter!
    A ce moment, la fille du tsar, Maria-tsarevna, le regarde par la fenêtre, et lui, il lève les yeux, la trouve fort jolie et murmure:
    - Je voudrais, comme le brochet le commande à ma demande, que la fille du tsar tombe amoureuse de moi!
    Le nigaud dit aussi:
    - Poêle, rentre à la maison...
    Le poêle obéit sur-le-champ et reprend sa place dans l'izba. Emélian vit quelque temps tranquille; mais il en va autrement au palais du tsar dont la fille, amoureuse du nigaud, supplie son père de la lui donner en mariage. Le tsar, furieux, fait venir son messager et dit:ne sait comment le faire ramener. Ses ministres lui conseillent d'en charger l'officier qui avait échoué précédemment; l'idée plaît au roi. Lorsque l'officier, mandé d'urgence, se présente, il lui dit:
    -Ramène-moi le nigaud mort ou vif, sinon je te coupe la tête.
    Le messager achète du vin et de la nourriture va au village, entre dans l'izbe et fait manger et boire le nigaud. Emélian se soûle et s'endort. alors le messager le met dans son chariot et conduit son prisonnier droit au palais. Le tsar ordonne à l'instant d'apporter un grand tonneau cerclé de fer. Sitôt dit, sitôt fait. Alors, il ordonne d'enfermer sa fille et le nigaud dans le tonneau, de l'enduire de goudron et de le jeter à la mer.
    Le tonneau vogue durant des heures; le nigaud continue à dormir, puis, enfin réveillé, il ne voit que du noir et se demande:
    - Où suis-je?
    La tsarevna lui répond:
    - Emélian, tu es dans un tonneau avec moi.
    - Qui es-tu donc?
    - Maria-tsarevna, la fille du roi.
    Emélian dit:
    - Comme le brochet le commande à ma demande, mer, projette le tonneau où nous sommes sur le rivage, au sec.
    A peine le nigaud a-t-il dit ces mots que la mer se démonte et projette sur le rivage, au sec, le tonneau qui aussitôt se brise. Emélian sort avec Maria-tsarevna.
    - Alors, Emélian, où habiterons-nous? Je t'en prie, fais apparaître une maisonnette.
    - Pas envie...

    Elle revient à la charge et Emélian, ébranlé, finit par consentir; il s'éloigne de quelques pas et prononce:
    - Comme le brochet le commande à ma demande, qu'un palais en pierre avec un toit d'or surgisse.
    A peine prononce-t-il ces paroles, qu'un palais n pierre avec un toit d'or apparaît, entouré d'un jardin plein de fleurs et d'oiseaux. Maria-tsarevna et Emélian entrent dans le palais et s'asseoient près de la fenêtre.
    - Emélian, peux-tu devenir beau?
    Le nigaud ne réfléchit pas longtemps:-
    - Comme le brochet le commande à ma demande, que je sois un gars de belle prestance!
    A peine a-t-il dit ces mots qu'il devient d'une beauté surprenante. Le tsar en allant à la chasse, voit le palais:
    - Qui a osé construire un palais sur ma terre et sans ma permission?
    Et il envoie ses serviteurs se renseigner. Ils arrivent et se postent sous la fenêtre, et Emélian leur dit:
    - J'invite le tsar chez moi.
    Le tsar arrive. Emélian l'accueille, l'introduit gentiment dans son palais, le fait asseoir à table. Le tsar et son escorte boivent et mangent à cour joie; le tsar s'étonne:
    - Mais qui es-tu donc, chevalier?
    - Vous souvenez-vous, Votre Majesté, du nigaud qui était venu dans votre palais sur un poêle et que vous avez fait enfermer avec votre fille dans un tonneau qu'on a jeté à la mer? Eh bien, c'est moi, Emélian! si je veux, je peux dévaster et brûler tout votre royaume.
    Le tsar prend peur et demande pardon:
    - Prends ma fille en mariage, prend mon royaume, mas épargne-moi!
    La noce est célébrée le même jour, en grande pompe, et Emélian devient tsar. Voilà, l'histoire est terminée.

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  •  

    Je sentis cela pour la première fois quand nous marchions sur la route de N... ; nous marchâmes dix heures de suite, sans nous arrêter, sans ralentir notre marche, sans ramasser les morts, en les laissant à l’ennemi qui nous suivait en masses compactes et, au bout de trois, quatre heures, effaçait avec ses pieds nos traces. Il faisait une chaleur torride J’ignore le nombre de degrés, quarante, cinquante ou davantage, je sais seulement qu’elle était longue, désespérément égale, accablante. Le soleil était énorme, incandescent, terrible, comme si la terre s’en fût approchée et serait bientôt consumée par ce feu impitoyable. Les yeux se refusaient à regarder. La prunelle, petite et rétrécie, petite comme un grain de pavot, cherchait en vain de l’obscurité sous l’ombre des paupières baissées, le soleil pénétrait l’enveloppe fine et envahissait le cerveau fatigué.

    Mais, malgré tout, on était mieux comme ça, et longtemps, quelques heures peut-être, je marchai les yeux fermés, en entendant la foule remuer, en entendant le piétinement des pieds d’hommes et de chevaux, le grincement des roues de fer broyant les  petites pierres, l’haleine oppressée et haletante et le bruit des lèvres sèches. Mais je n’entendais pas de paroles. Tous gardaient le silence, comme si c’eût été une armée de muets qui avançait, et quand quelqu’un tombait, il tombait en silence, les autres se heurtaient contre son corps, se relevaient en silence et, sans se retourner, avançaient, comme si tous ces hommes muets eussent été en même temps sourds et aveugles ; je bronchais aussi et je tombais, et alors j’ouvrais les yeux involontairement, et ce que je voyais me semblait une fiction sauvage, délire pénible de la terre en démence. L’air surchauffé frémissait, sur le point de fendre les pierres frémissaient aussi silencieusement, et les rangs éloignés des hommes à un tournant du chemin, les canons et les chevaux se séparaient de la terre et, sans le moindre bruit, oscillaient comme une masse gélatineuse, — comme si c’eût été une armée d’ombres immatérielles et non d’hommes vivants qui marchait. Le soleil énorme, rapproché, terrible, avait allumé sur chaque canon de fusil, sur chaque plaque de métal un millier de petits soleils éblouissants et, de toutes parts, des côtés, d’en bas, ils pénétraient dans les yeux, ardents, aiguisés comme des baïonnettes chauffées au blanc. Et la chaleur desséchante, brûlante, entrait dans le fond même du corps, dans les os, dans le cerveau, et il semblait parfois que ce qui se balançait sur les épaules n’était pas une tête, mais un globe bizarre, extraordinaire, lourd et léger, étranger et terrible.

    Et alors, et alors tout à coup, je me souvins de la maison : je revis un coin de chambre, un bout de papier bleu, une carafe d’eau toute poudreuse, intacte sur ma table, — ma table, dont un pied, plus court que les deux autres, était appuyé sur un bout de papier plié. Et dans la chambre d’à côté, sans que je les voie, semblent être ma femme et mon fils. Si je pouvais, j’aurais crié, tant cette vision simple et familière, — ce bout de papier bleu, cette carafe poudreuse et intacte, — était extraordinaire.

    Je sais que je me suis arrêté, en levant les bras, mais quelqu’un m’ayant poussé par derrière, je repris ma marche rapide, en me hâtant Dieu sait où, sans sentir ni la fatigue, ni la chaleur. Et je marchai longtemps ainsi, à travers les rangs interminables et silencieux, côtoyant les nuques rouges, brûlées par le soleil, en effleurant presque les baïonnettes brûlantes impuissamment baissées, lorsque tout à coup une idée me fit arrêter, je me demandai ce que je faisais, où j’allais si vite. Sans ralentir le pas, je tournai de côté, je me frayai un passage vers l’espace libre, je franchis un ravin et je m’assis sur une pierre comme si cette pierre rugueuse et brûlante eût été le but de tous me  s efforts.

    Et c'est alors que je sentis cela pour la première fois. Je vis que ces hommes marchant en silence sous les rayons ardents du soleil, à demi-morts de fatigue et de chaleur, chancelant et tombant, étaient fous. Ils ignorent où ils vont, ils ignorent la raison d’être de ce soleil, ils ne savent rien. Ils n’ont pas de tête sur les épaules, mais des globes étranges et terribles. En voici un qui, comme moi, se glisse en hâte à travers les rangs, en voici un autre, un troisième. Voici qu’une tête de cheval aux yeux fous, aux mâchoires largement ouvertes faisant pressentir un cri extraordinaire, terrible, se dresse au-dessus de la foule, se dresse et s’affaisse ; la foule afflue à cet endroit, on entend des voix enrouées et sourdes, un sec coup de fusil, puis le mouvement silencieux et infini recommence. Plus d’une heure déjà je reste sur cette pierre, l’on ne cesse de défiler devant moi, et l’air, la terre, les rangs lointains et illusoires frémissent toujours. Je suis de nouveau pénétré par la chaleur desséchante et je ne me souviens plus de ce qui m’est apparu pour un moment, et l’on passe, l’on passe devant moi et je ne comprends pas ce que c’est Une heure durant j’ai été seul sur cette pierre, et maintenant un groupe d’hommes gris s’est formé autour de moi, les uns sont couchés, immobiles, peut-être déjà morts, d’autres sont assis et regardent les passants d’un air stupide comme moi. Les uns ont des fusils et ressemblent à des soldats, d’autres sont presque dévêtus et la peau de leur corps est si rouge qu’on s’en détourne. Près de moi un homme est couché, le dos en l’air ; à l’indifférence avec laquelle il appuie sa figure contre les pierres pointues et brûlantes, à la blancheur de sa main retournée, on devine qu’il est mort, mais son dos est rouge comme celui d’un homme vivant, et seule une couche fine et jaunâtre, comme sur de la viande fumée, parle de la mort. Je veux m’écarter de lui, mais je n’en ai pas la force, je chancelle et je regarde les rangs avançant indéfiniment illusoires et oscillants. L’état de ma tête me fait pressentir un coup de soleil, mais je l’attends tranquillement, comme dans un rêve, où la mort n’est qu’une étape dans la suite des visions merveilleuses et enchevêtrées.

    "Le rire rouge" Léonid Andreiv *

    Andreïev, c'est beaucoup plus qu'une oeuvre attirée par l'angoisse du gouffre. C'est, jeté sur le papier, le pauvre coeur des hommes, pour reprendre un titre du Japonais Sôseki.

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  •  

    Toutes les Bibles ou codes sacrés ont été causes des Erreurs suivantes :
    1. Que l’homme a deux principes réels d’existence, à savoir, un Corps et une Ame.
    2. Que l’Energie, appelée le Mal, n’émane que du Corps, et que la Raison, appelée le Bien, n’émane que de l’âme.
    3. Que Dieu tourmentera l’Homme de toute Eternité pour avoir suivi ses propres Energies.
    Mais c’est le contraire de ces affirmations qui est Vrai :
    1. L’Homme n’a pas un Corps différent de son Ame. Ce qu’on nomme Corps est une partie de l’Ame que perçoivent les cinq sens, principaux accès de l’Ame en cette époque.
    2. L’Energie est la seule vie et elle vient du corps. La Raison n’est que limite et circonférence extérieure de l’Energie.
    3. L’Energie est Délice Eternel.

    Le Mariage du Ciel et de l'Enfer ; Le Livre de Thel ; L'Évangile Éternel
    William Blake (*)

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  • Méchante:
    Attention

     

    "Moi, je suis méchante: ça veut dire que j'ai besoin de la souffrance des autres pour exister. Une torche. Une torche dans les coeurs. Quand je suis toute seule, je m'éteins."

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  • La croyance dans la possibilité de relations sexuelles entre un esprit et un mortel, homme ou femme, est très ancienne et présente sur la Terre entière. Dans la mythologie grecque, le fruit d’une telle union étrange était un demi-dieu. Avec l’arrivée du christianisme, ces choses ont pris un aspect plus sombre. Les incubes et les succubes ont été considérées comme démoniaques.


    Le mot « incube » vient du latin et désigne « ce qui se couche dessus ». La « succube » est celle qui se couche dessous. L’incube est regardé comme le démon qui débauche les femmes, la succube débauche les hommes.

    Les érudits de l’église ont beaucoup débattu de la nature des incubes et des succubes et du péché commis à leur contact. Certains ont déclaré qu’il s’agissait du même démon, asexué à la base, car inhumain, qui pouvait devenir incube pour coucher avec une femme et devenir succube pour coucher avec un homme.

    Ils pensaient aussi que le diable pouvait ainsi recevoir, sous forme de succube, la semence d’un homme souvent pendant son sommeil, et ensuite, sous forme d’incube, la transmettre à une femme et ainsi lui faire concevoir un enfant.

    D’autres érudits de l’église croyaient que les démons pouvaient avoir des enfants, et qu’ils l’avaient fait, c’est ainsi que l’Antéchrist fut conçu par un démon et une sorcière. On a retrouvé ce thème de nos jours dans Rosemary’s Baby, le livre et le film.

    Incube et Succube

     

    L’idée du démon-amant apparaît chez de nombreux auteurs, l’un d’entre eux, Jori-Karl Huysmans et un de ceux qui en parle le mieux dans son excellent livre « La-Bas ». Huysmans nous donne dans ce livre une image du Satanisme comme il était pratiqué dans le Paris des années 1890, beaucoup de ce qui est décrit dans ce livre est basé sur des faits.
    Durtal, le héros du livre est l’amant d’une femme marié, madame Chantelouve, qui est secrètement sataniste. Elle se vante devant lui de posséder certains pouvoirs. Si elle désire un homme, elle n’a qu’à penser fixement à lui avant de se coucher, ensuite elle pourra le rejoindre en rêve sous la forme qu’elle choisira. Ce pouvoir dit elle à Durtal horrifié lui a été donné par le maître Sataniste, un prêtre défroqué nommé Canon Docre. Plus tard elle emmène Durtal à une messe noire conduite par Canon Docre, mais rendu malade par ce à qui il assiste, Durtal rompt tout lien avec madame Chantelouce et son influence démoniaque.

    Ces relations avec un incube sont particulièrement intéressante car elles rappellent d’autres beaucoup plus anciennes dont Huysmans n’a peut être pas eu écho, car provenant d’Angleterre.

    Dans le vieux texte de Thomas Middleton « The Witch », dont Shakespeare a tiré le chant « Black Spirits » pour Macbeth, une des sorcières dit :

    "What young man can we wish to pleasure us,
    But we enjoy him in an Incubus ?"

    Une grande partie de savoir de Middleton en matière de sorcellerie est tirée du livre de Reginald Scot « Discoverie of Witchcraft » dans lequel Scot décrit les effets de l’onguent des sorcières de Giovanni Battista Porta : « Dans la nuit, éclairé par la lune, Elles semblent voler dans les airs, s’amuser, s’embrasser et avoir des relations avec ceux qu’elles aiment et désirent le plus ».

    Il n’est pas fait mention d’onguent des sorcières dans « la-Bas » de Huysmans, mais la possibilité de tels expérience via l’autosuggestion s’imagine sans mal. Si l’on considère les expérience sexuelles sous l’effet de drogues hallucinogènes, il y a des sorcières mexicaines qui utilisent un onguent nommé toloachi. Elles disent qu’une femme qui l’utilise n’a pas besoin d’homme. Sa composition est secrète, mais un de ses ingrédient principal est la Datura Tatula, une plante proche de la Datura commune.
    Ce genre particulier d’hallucinations ou d’expérience rêvées me semble être la base réelle de toutes ces histoires d’incubes et de succubes, sans qu’il y ait le moindre lien avec les démons et les diables.

    Cela surprendra le lecteur d’apprendre que le phénomène des incube et des succube est toujours d’actualité, un amis occultiste, m’a relaté une expérience de ce genre qui lui a été soumise.

    Un couple marié lui a demandé de les aider à chasser un esprit de la ferme où ils vivaient. Il n’est pas possible de donner trop de détails pour plusieurs raisons, mais mon ami s’est rendu chez eux et a essayé sincèrement de leur apporter son aide. Le phénomène arrivait de temps à autre, et le mari avait déjà demandé à des médiums et des spirites de l’aider mais sans succès. Sa jeune et belle femme semblait attirer le phénomène, et mon ami est arrivé à la conclusion qu’un esprit lié à la terre était obsédé par elle.

    Cet esprit a eu l’occasion de prendre possession de la femme et de s’exprimer par sa bouche, il a donné des détails sur sa vie sur terre et a mis mon ami au défi de le chasser.

    Et en effet, mon ami n’arrivait à faire aucun progrès, car il n’arrivait pas à obtenir la collaboration de la femme qui trouvait toujours une autre excuse pour ne pas suivre ses directives.

    En l’absence de son époux il lui a parlé, et elle a admit ne pas vouloir se débarrasser de l’entité, car, dit-elle, elle venait comme un amant et lui donnait un plaisir sexuel qu’aucun homme ne lui avait jamais donné.
    Mon amis fut choqué et dégoûté par les détails confessés par la femme. Il n’en dit rien à l’époux, à part qu’il ne pouvait rien faire de plus que d’abandonner l’affaire. Lorsqu’il m’a donné les détails de l’histoire on voyait qu’il était traumatisé, et il m’a dit que sa santé avait pâti de ce qu’il avait vu et entendu. Et il à mis quelque temps encore à se rétablir complètement.

    Une telle histoire entraîne différentes questions, occultes et psychologiques. Des psychiatres ont rencontré ce genre de phénomènes, parfois associées à des cas de supposés vampirismes.

    Des relations sexuelles avec le diable, ou avec un amant-démon, étaient souvent « confessés » par les sorcières d’après ce qu’on lit dans les minutes des anciens procès en sorcellerie. Un grand nombre de ces confessions étaient tout simplement arrachée sous la torture.
    Mais la confession de la sorcière écossaise Isobel Gowdie fut volontaire, elle s’est dénoncée, et fut pendue. Ses motifs pour agir de la sorte ne sont pas connus, mais sa confession est très détaillée et décrit une relation sexuelle avec le Diable. Elle dit qu’il était dur et froid.

    Ce détail du diable froid est souvent trouvé dans les confession des sorcières à différents époques et endroits. Par exemple en 1616 Sylvanie de la Plaine, une sorcière du pays de La Bourde a dit que le membre du Diable était comme celui d’un étalon, et lorsqu’il pénétrait, il était froid comme de la glace tout comme son sperme, et lorsqu’il ressortait il brûlait comme s’il était de feu.

    Cette description est conforme à celles faites un grand nombre de fois dans toute l’Europe, et les détails du pénis et du sperme glacé du Diable ont intrigué de nombreux auteurs contemporains. Margaret Murray croyait que cela pouvait s’expliquait si le Diable était un homme en habit rituel, portant un masque cornu, un costume de peau qui couvrait entièrement son corps et doté d’un phallus artificiel.

    Cette explication, est la clef de bien des histoires de copulation avec le Diable. Le « Diable » d’un coven était un homme jouant le rôle du Dieu cornu. Avoir un rapport avec lui était un rite religieux, voilà pourquoi un phallus artificiel était utilisé. Le Grand Dieu Pan était toujours apte, il n’était pas sujet aux défaillance humaine. Le Frisson qu’un femme pouvait ressentir lorsque le phallus froid la pénétrait, était suffisant pour provoquait l’illusion d’un sperme glacé.

    Dans de nombreuses descriptions de relations sexuelles entre incube ou succube avec un humain on insiste souvent sur le plaisir intense que cela procure. Après 1470, il n’en est plus question, on ne » parle plus que d’horrible et dégoûtante histoires. Dans les description du sabbat des sorcières, les autorités ont réalisé que cela ne devait pas faire envie. Les supposées sorcières devaient sous la torture admettre toutes les horreurs qui sortaient de l’imaginations de ces célibataires frustrés et sadiques.
    Les auteurs du « Malleus Maleficarum » sont particulièrement intéressés par le détail des relations sexuelles avec les démons. Ce livre publié pour la première fois vers 1486, fut le premier manuel officiel de persécution des sorcières. On y trouve une description désagréable de copulation entre une femme et un incube et on peut y voir la possibilité que l’autosuggestion soit responsable de ces « rapports ». Ils disent que dans tous les cas qu’ils connaissent, la sorcière a vu le diable. « Mais selon certains, les sorcières ont souvent été vues couchées nues sur le dos dans les bois ou les champs dans une position permettant la copulation et l’orgasme, en observant leurs mouvement il était évidant qu’elles copulaient avec une incube démoniaque invisible, si ce n’est, en de rares cas, une vapeur noires de la taille d’un homme qui montait dans le ciel à la fin de l’acte ».

    Dans l’atmosphère moyenâgeuse où les relations sexuelles équivalaient au péché on ne pouvait comprendre ces scènes que par l’intervention d’un démon, celui qui était dans l’esprit de la femme et du témoin.
    Des descriptions de relation entre un homme et une succube sont moins fréquentes. Lorsqu’on en trouve, elles sont de l’ordre des histoires d’incubes. La succube prend la forme d’une femme très belle, mais son vagin est glacé et parfois son amant constate que ses jambes se terminent par des sabots. Là encore les plus anciennes histoires parlent de démones magnifiques et passionnées qui apparaissent aux prêtres et aux ermites pour les tenter, et elles y parviennent souvent. Le pape Sylvestre II (999-1003) est un Pape qui est dit avoir été secrètement sorcier et la légende raconte qu’il avait des relation avec une succube nommée Meridiana qui était son esprit familier.

    Le corps glacé des succubes doit provenir des description faites des incubes, car la majorité des histoires de succubes parlent d’être diaboliquement séduisante prenant la forme de courtisane ou de prostituée pour séduire les hommes. L’origine de beaucoup de ces histoires semble venir de rêves érotiques qu’ont les hommes. La plupart de ces rêves sont agréables, mais si l’on se sent coupable et si la peur du péché intervient, les phantasmes deviennent sombres et le rêveur passe dans le monde du cauchemar.

     

     



    Source: Les portes du Sidh

    Tiré de "An ABC of Witchcraft Past and Present" (c) Par Doreen Valiente, traduction et adaptation

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